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"Bronson"

Par Loulouti

Nicolas Winding Refn s’est fait mondialement connaître en mettant en scène la trilogie "Pusher" il y a quelques temps. De nouveau Il frappe un énorme coup avec "Bronson", un biopic consacré à Michael Peterson, considéré comme le prisonnier le plus violent d’Angleterre de ces trente dernières années, qui en 1987 prit comme "nom de guerre" le patronyme du comédien et en référence à l’un de ses plus grands succès, à savoir "Death Wish" ("Un Justicier dans la Ville").
Autant vous dire que "Bronson" va certainement diviser les foules. On s'immerge totalement ou on n’adhère pas du tout. C’est une œuvre originale, atypique, inclassable qui n’accepte pas la demie mesure. En guise d’accroche publicitaire, le parallèle a été volontairement fait avec "Orange Mécanique" de Stanley Kubrick. Sur la forme les deux films sont différents même si sur le fond ils se rejoignent : ce sont des entreprises qui récusent toute idée de compromis.
Personnellement je me suis immédiatement passionné car le cinéaste s’est aboli de tout un tas de contraintes. Son film respecte les grandes lignes de la vie de Michael Petersen mais le cinéaste danois a imposé sa vision du personnage et n’a pas été l’esclave d’un studio.
Son travail n’est pas une commande comme le sont parfois certains produits finis. En langage trivial on dirait que le réalisateur a fait "sa sauce" avec les repères biographiques de la vie de ce détenu qui a connu 4 mois de liberté en 35 ans dont 27 à l’isolement total, avec les marques spatiaux temporelles. Nous savons que Bronson a été ballotté de prison en prison, qu’il a même séjourné dans des hôpitaux psychiatriques mais Nicolas Winding Refn en dit peu sur ces lieux d’internement et de détention. Le matériau humain reste son seul centre d’intérêt.
"Bronson" apparaît comme un long métrage volontairement déstructuré. Le film n’a pas ce petit côté rassurant qu’on peut trouver dans 99% des productions qui ne prennent aucun risque. Nous sommes aux antipodes d’un long métrage qui cherche à nous prouver quelque chose. "Bronson" n’est pas un film militant qui délivrerait un message.
Nicolas WindingRefn ne cherche pas la réhabilitation d’un prisonnier au destin exceptionnel ou d’un pauvre type assez bête pour se faire broyer par le système, c’est selon.
Son but n’est absolument pas de faire le procès de l’univers carcéral britannique, d’autres s’en sont chargés avant lui. D’ailleurs la prison reste dans "Bronson" une scène de théâtre, un décor, un arrière plan où s’épanouit Michael Peterson.
Le metteur en scène est aussi intelligent pour ne pas nous donner des clés de lecture sur la psychologie de l’homme et du détenu. Son film n’a pas de valeur explicative comme je l’ai dis plus haut. L’intellect de Bronson restera à jamais un mystère. A chaque de spectateur de se forger sa propre opinion d’une vie qui a tout d’extraordinaire.
Nous suivons la carrière de carcérale de Peterson/Bronson qui use et abuse de violence pour se faire respecter. La plupart de ces déchaînements de violence extrême sont totalement gratuits. L’homme a une terrible bête qui sommeille en lui. Certains appelleraient cela de la folie, d’autres de l’inadaptation aux lois qui règnent à l’extérieur et à l’intérieur de l’univers carcéral.
Mais une chose est claire dès le début du long métrage : Bronson se plaît en prison. C’est son monde et tout s’articule de cet axiome. La force du long métrage est de dépasser les idées reçues. Bronson apparaît après maintes aventures et séjour en isolement comme un homme doué pour les arts.
En me renseignant sur ce sacré personnage j’ai appris que certains de ces poèmes avaient été publiés et primés. Bronson n’est donc pas qu’une machine à cogner, doté certes d’un physique exceptionnel mais un être humain armé d’un potentiel artistique qui ne demandait qu’à éclore en d’autres lieux ou à une autre époque.
On peut même se poser la question si la violence n’est pas l’un des prolongements, l’une des manières de s’exprimer de ce don pour l'art.
Techniquement Nicolas Winding Refn use d’artifices pour créer un décalage, une distorsion entre le récit brut (les faits, les actes) et les sentiments qui s’en dégagent. Parfois, à des moments charnières, Bronson a une sorte d’alter ego clownesque qui s’adresse à un public (nous ? la société ?) en permanence dans l’ombre. Ces apartés ont une valeur symbolique très forte et au final demeurent indispensables. Le temps suspend son vol et c’est un double charmeur qui braque les projecteurs sur le prisonnier pas du tout modèle.
Là où nous pouvons établir un parallèle avec "Orange Mécanique" concerne l’utilisation de la musique classique. Des thèmes musicaux d’une beauté incroyable et d’une douceur angélique illustrent les pires moments du film : les combats carcéraux de Bronson. Des instants violents, racés, brutaux rythmés par des sons gracieux. L’écart surgit également de cet emploi d’une bande son en perpétuel décalage.
Le choix de Tom Hardy (photos ci-dessous) pour incarner Bronson s’avère extrêmement judicieux. Bronson l’habite intégralement. Sa performance est prodigieuse, novatrice, hors des sentiers battus. Sa liberté de ce créer son propre Bronson est d’autant plus à saluer qu’il a du se contenter que de documents et de témoignages indirects. Personne de l’équipe technique ou artistique n’a pu à ce jour rencontrer le prisonnier qui purge une peine de prison à vie à l’isolement total.
L’acteur anglais compose un personnage entier, excessif dans son comportement et sa démarche. Physiquement l’acteur s’est astreint à des mois de culture physique pour ressembler au vrai Bronson, connu aussi pour être capable de faire 2500 pompes par jour. Tom Hardy éclate avec ce physique de Titan et agresse littéralement la caméra avecune sihouette de bête de combat.
Sur le plan du jeu d’acteur Tom Hardy-Michael Petersen-Bronson accapare tout. Les autres personnages restent des faire-valoir. L’objectif est braqué sur ce colosse, le reste n’est pratiquement rien.

Depuis des semaines j’attendais "Bronson" et je ne suis pas déçu. J’espérais un long métrage original et Nicolas Winding Refn a su aller au bout de ces idées et me combier. J’ai aussi fait le choix de voir l’œuvre en version originale. Je vous bassine souvent avec cela mais la voix fait partie du jeu d’un acteur. Dans "Bronson" Tom Hardy module sa voix et ses intonations sont parfois chaleureuses, très souvent tranchantes comme de l’acier.
Un long métrage vraiment différend.

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