Voilà, ça me fait chier mais c'est un autre article qui commence en parlant de musique électronique. C'est étrange que ça revienne en prétexte à chaque fois parce qu'au fond cette musique ne me passionne qu'assez peu. J'en apprécie beaucoup différentes formes mais je ne pense pas pouvoir pousser ça au rang de revendication —casque audiophile autour du cou jusque dans les chiottes, se voir insister pour passer des titres chez ses amis.
Premier truc, si j'ai bien compris de quoi il était question, je pense que cette musique —8-bit, Chiptune— est un moment révolu. Il y a quatre-cinq ans les gens étaient encore jeunes et beaux aux concerts de Gangpol und Mit, on n'y trouve plus maintenant que des pédophiles en tricots marrons. Sans s'attarder sur les raisons de l'acharnement, le mérite qu'a eu cette génération de musiciens, si ce n'est faire beaucoup de bonne musique, c'est de catapulter deux bonnes idées et laisser le champ grand ouvert pour la suite. Ces deux idées pour moi c'est le punk et Burroughs.
Rapide retour sur le déterminisme d'Ian Svenonius et son délectable Rock 'N' Roll As Real Estate. L'explosion du nombres de formations folk et électroniques dans les années 2000 comme réponse à la gentrification des métropoles dans lesquelles l'espace requis pour répéter autrement qu'au casque est devenu un luxe. En suivant le même argumentaire, cette génération de branleurs n'a fait que s'approprier un nouvel espace disponible —leurs piaules et internet—, comme d'autres avaient investi les garages des suburbs ou squatté des immeubles avant eux. Pour le jugement de valeur, "Hobbit Motherfuckers" de Turbonegro reste un must.
La scène justement, pour revenir à nos nerds "game-boyophiles". Ce qui différencie je pense cette génération de musiciens de la précédente (je lisais dans l'article de Benoit Aphex Twin, Boards of Canada) c'est la volonté de revenir à une pratique plus analogue, compatible avec la performance live, écartant pour un moment la virtuosité devenue requise pour l'Intelligent Dance Music et ce genre de conneries. À opposer sûrement aux musiciens house à qui on paie des coaches pour rendre leur musique viable sur scène —à grand renforts de néons qui clignotent. La tendance semble partagée par de nombreuses disciplines en cette fin de décennie, entre la réaction qu'est le retour à l'artisanat (cassettes, maquettes en carton, impressions crado) et la volonté de détourner les outils informatiques dans lesquels le potentiel créatif se limite grosso modo à ce à quoi des programmeurs ont déjà pensé en 1 et 0 (de nouveaux contrôleurs pour jouer la musique, le nombre croissant d'artistes et designers passant leur temps à bricoler des plug-ins). Dans ce contexte, le détournement de consoles de jeu, le retour aux collages cassette, le foin médiatique autour de Throbbing Gristle l'année dernière et l'impossibilité de tenir une conversation d'une heure avec qui que ce soit sans entendre mentionner au moins un auteur Beat me semblent loin d'être innocents.
Dans une récente interview avec Mark Beasley, Genesis P-Orridge (Throbbing Gristle), après avoir confessé l'évidente filiation Beat, développe :
By making Throbbing Gristle into a cut-up machine, we rescinded or we surrendered the authorship of the result. You know how Burroughs and Gysin would say, 'Poets don't own words'? Once you perform a cut-up, it's the Third Mind that's responsible for the end results. The Third Mind is this intangible being or entity that only exists in the moment of collaboration between two people or artists. And that entity is the centre of everything that we've done, really, in different forms. It's been at the centre of every project.
Cette année je me suis souvent retrouvé dans des petits appartements ou galeries à regarder des copains, des Américains, des Portugais de passage passer des cassettes, triturer des machines bidouillées ou jouer du monome. C'était souvent passable, quelques fois lumineux. S'il faut des noms on peut dire Fyoelk, Gala Drop, Mudboy et ce mec Autralien mais j'ai oublié le sien. Cet été je vais prendre le temps de lire la réédition du Re/Search sur Burroughs, Throbbing Gristle et Gysin. L'année prochaine on commencera à faire les pronostics pour nommer les élus de cette génération. Qu'est-ce que vous pensez de l'appeler Cut-chip ?
Photos, machine et cassette : Mudboy Flyers : Hallo Gallo.