Il arrive parfois que l’on lise les mêmes pages, mais pas le même livre. Certes, l’Antigone d’Henry Bauchau s’étend sur près de 350 pages, et ce serait une folie que de vouloir tout conserver en l’espace d’une heure de spectacle. Mais tout de même !
Le personnage d’Antigone est ici épuré, limité, détruit même. De la complexité initiale qu’avait su ériger Bauchau au fil des lignes, il ne reste rien. Antigone est devenu un être déshumanisé, militante féministe ennuyeuse et répétitive. Certes, le texte est conservé, mais le point de vue se retrouve limité à ces rares aspects, pour le déplaisir du spectateur-lecteur.
La diction de Magali Bonat (interprète d’Antigone) est théâtrale au possible, syllabique, dépourvue d’émotion tant la prononciation y est poussée à son paroxysme – une récitation lassante. Le visage se crispe, les sons sortent, les phrases se forment. Mais où est l’émotion, où est le sentiment ?
L’Antigone initiale de Bauchau, naviguant entre des élans de révolte et une faiblesse, une douceur tout en complexité et en dimension, se retrouve ici binaire. Pire, unilatérale ; une inutile militante à la diction agaçante, racontant ses errances sans les confrontations solitaires, sans l’amour, sans le doute que l’auteur du roman a si justement décrit.
Restent un jeu de lumière maîtrisé avec habileté et des accompagnements chantés par Salah Gaoua tout simplement magnifiques.
Mais le massacre autour dont souffre l’œuvre initiale ainsi transposée nous retiendra d’y aller. Dommage.