Le tout, c’est de s’y préparer.
Étant parvenu à « vendre » à mes filles le principe de dodos sous la tente dans un pays méconnu pour ses nuits torrides, il me faut limiter les risques de cryogénisation nocturne.
J’ai donc fait l’acquisition de ce qu’il me semblait être le matériel incontournable en pareille perspective. Une petite tente pour moi, une autre, beaucoup plus grande, pour mes deux cobayes. Sacs de couchage, réchaud, ustensiles de cuisine, lampes de poche (dans un pays qui ne connaît pas la nuit en juillet, ce fut vraiment utile !), réserves de nourriture… je prépare une véritable expédition polaire.
Nous quittons Reykjavik en voiture au son des Beatles.
Le ciel est dégagé, le soleil au rendez-vous et les filles ont commencé à se disputer.
Tout est donc parfaitement normal.
Pendant les 8 jours de notre périple, elles s’adonneront à cette plaisante et bruyante activité comme à un rituel immuable et parfaitement rythmé. Les manifestations répétées de leurs différends mis à part, leurs principales revendications auront pour leitmotiv :
- d’être prises en photo en posant comme des starlettes de cinéma,
- de sélectionner nos lieux de campements en fonction des possibilités d’accès à Internet, histoire de pouvoir facebooker, twitteriser et MSNer en toute quiétude,
- d’aller flâner dans les rues achalandées des villes Islandaises.
Mes tentatives pour faire de ce voyage une invitation à découvrir un pays que je pressentais magnifique et pour leur faire vivre une expérience de la vie en collectivité et en plein air me semblaient mal engagées.
Toujours est-il que nos quittons la capitale, en direction de Vik. Nous ferons le tour de l’Islande dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, histoire de faire durer le plaisir, de faire ce voyage à contretemps, dans une absolue liberté de mouvement. Et nous emprunterons la route n°1. Ne cherchez ni la n°2, ni les suivantes, elles n’existent pas. Ici, les routes praticables sont aussi rares que les habitants.
Il ne faudra qu’une dizaine de minutes pour avoir un premier aperçu des splendeurs qui nous attendent. Le démarrage se fait Andante.
Comme si la nature nous faisait une présentation synthétique et en images du programme à venir, les vallées verdoyantes d’abord, aux pentes douces, presque amicales, se succèdent ; mais déjà, au loin, nous distinguons aussi les ombres noires et anguleuses des volcaniques découvertes qui suivront. À travers le pare-brise, j’aperçois maintenant les couleurs inédites qu’affiche la terre de glace, tel un drapeau géant en 3D ; à gauche, une étendue verte de lichen, la route en asphalte au milieu qui serpente à perte de vue, et une vaste plaine de sable noire à droite.
Le dépaysement et les contrastes sont saisissants et d’autant plus rapidement perceptibles que l’Islande est une petite île. À peine le cinquième de la France. Alors comme s’il fallait convaincre ses visiteurs de s’attarder sur son sol, la nature sauvage enchaîne les représentations spectaculaires.
Nous atteignons Vik en début d’après-midi.
Une station-service avec un supermarché, quelques hangars, des maisons de plain-pied sagement alignées… les villages islandais présentent rarement un intérêt architectural majeur. Vik n’échappe pas à la règle. Mais le site mérite malgré tout le détour. Nous sommes en bordure d’une longue plage de sable et de galets noirs. L’océan déploie ses lames sur ses plus grandes largeurs, XXL minimum. Et les hautes falaises qui bordent le lieu et nous encerclent contrastent avec le calme plat qui règne ici-bas. Mais surtout, le beau temps ne nous a pas quitté.
Les filles sont impatientes de planter leurs sardines. Leur première expérience de campeuses. Alors nous nous installons dans l’enceinte du camping, désert à cette heure de la journée. Seule une dizaine de tentes et de caravanes sont disséminées sur le grand terrain à quelques centaines de mètres de l’eau. Ici aussi la densité locale est respectée.
À la différence de la plupart des lieux comparables en France, nous n’auront que le souffle du vent et les cris des oiseaux (macareux, mouettes, guillemots, Eider à duvet, sterne arctique…) pour toute musique.
En fin d’après-midi, nous serons toutefois rejoints d’un côté par un couple en caravane en provenance de l’Aube et de l’autre par une famille. Curieusement, les Français ont cette fâcheuse tendance à rechercher la proximité de leurs compatriotes, même lorsque la place ne manque pas. Bref.
Nos deux logis de toiles sont montés en l’espace de 5 minutes à peine. Je me suis d’abord félicité d’avoir opté pour le système imaginé, sauf erreur, par Décathlon, et qui, comme le vante l’image insérée avec la housse d’emballage, se déploie sans effort et presque automatiquement. « Two seconds » l’avaient-ils appelé à l’époque. Deux secondes pour la mettre en place. Mais deux heures pour la ranger le lendemain. La notice d’utilisation étant évidemment aussi claire que le manuel de montage d’une fusée Ariane. Quant à nos Français, ils se montrèrent aussi prompts à s’agglutiner que lents à nous aider. Leur coup de cœur pour l’emplacement choisi fut aussi fort, que le coup de main attendu inexistant. Ce qui ne les empêcha pas de jeter de temps à autre quelques coups d’œil amusés en direction de nos tentatives désespérées pour venir à bout des ces p… de tentes de m…
Des tentes qui, faute d’avoir pu être pliées convenablement, ne retrouveront jamais leurs housses d’origine et encombreront un coffre déjà bien rempli.
à suivre...