Le Printemps de Septembre (jusqu’au 14 Octobre).
Ailleurs dans la ville, l’endroit le plus extraordinaire est l’usine EDF à Bazacle, ancien gué, ancien moulin (et alors première société par actions du monde en 1369), usine électrique dotée d’une passe à poissons dont on peut observer la remontée contre le courant par une fenêtre. A cet endroit, la Garonne a des airs d’Arno, la lumière d’automne caresse les pierres du vieil hôpital, d’énormes troncs d’arbre blanchis sont perchés en équilibre sur la digue. D’un d’eux part un câble en acier qui pénètre dans le bâtiment de la centrale. Pour le suivre, on s’enfonce dans les entrailles de l’usine, dans les anciennes salles des turbines aux murs de brique et on parvient à l’autre extrémité du câble : un bloc d’ébène, posé sur la tranche, est en équilibre tendu, fragile peut-être, incertain, dangereux. C’est Hystéros de Katinka Bock, où intérieur et extérieur, blanc et noir, tronc et bloc, Nord et Sud s’équilibrent, se soutiennent. Que l’un craque et l’autre chutera aussi. Et c’est une utilisation magistrale du lieu, du contraste entre la terrasse d’observation sur le fleuve où on s’étire au soleil et la salle utérine au fond de l’usine où on doit marcher courbé sous le plafond bas.
A l’étage au dessus, Valère Costes, dans la pénombre, juxtapose des pièces étranges : une Grotte, tente faiblement éclairée, dans l’intimité de laquelle on entre précautionneusement pour être soudain ébloui par un éclair intermittent qui jaillit d’une sorte d’auge; à côté, des tiges ondulantes comme un champ de blé ou une chevelure sauvage (Table des vents) et (au fond sur la photo) des tables circulaires sur lesquelles poussent des stalagmites phalliques (prétendument) alimentés par une perfusion d’eau calcaire depuis le plafond. Ce sont des pièces qui évoluent, qui respirent, qui se transforment. Au sol, deux petits robots dérisoires tentent, qui d’avancer, qui de voler : ils sont alimentés par un panneau solaire et, en cet instant, le ciel est trop gris. Valère Costes occupe ce lieu avec des pièces intimes et tendres, et qui s’inspirent de l’esprit du lieu.
Un peu plus loin, au bord du fleuve, dans la Maison de l’éclusier, vous pouvez, à mon goût, vous abstenir de monter à l’étage pour y voir de la peinture comme tant de galeries parisiennes en montrent. Restez en bas, entrez dans la cuisine carrelée et regardez un écran blanc, tout blanc. Peu à peu les éléments d’une salle de bain modèle vont y apparaître, de la poignée de porte au premier plan jusqu’à la baignoire au fond de la salle; puis ils vont disparaître dans un brouillard blanchâtre, comme gommés, absorbés, annihilés (Sans titre). Dans la salle voisine, vous verrez un nuage de poussière prendre les positions les plus étranges dans une pièce, navigant du sol au plafond, escaladant un mur puis l’autre. Votre compréhension de l’espace, des lois de la physique est désarçonnée. Il vous faut un moment pour réaliser que Vincent Mauger filme des maquettes et qu’il joue avec leur verticalité; je vous laisse deviner. Plus loin, l’artiste occupe l’espace différemment, avec de gigantesques toiles d’araignée faites de sangles multicolores envahissant la cour et le hangar. Mais c’est bien là encore de rapport de l’artiste à l’espace qu’il s’agit.
Encore un billet sur les photographes demain, et j’aurai fait le tour de ce Printemps.
Petite publicité personnelle : ce mercredi 3 Octobre de 9h30 à 10h30, écoutez cette émission de Radio Libertaire : 89.4 FM en région parisienne ou un de ces liens Internet.
Photos de Bock et Costes par Philippe Migeat, courtoisie Printemps de Septembre. Photo Mauger provenant de ce site.