"Tu es née sur le continent , dit Sami en agitant la main devant elle comme si elle désignait une terre étrangère, un horizon secondaire. Et pourtant ton esprit est d'ici.
- de Gorée?
- de l'île. Tu as l'esprit d'un habitant de l'île.
- capable de jeter des ponts comme de les couper?
- c'est ça, répond Sami. Tu te suffis à toi-même mais tu as besoin de rayonner. Nous sommes pareilles, toi et moi, nous sommes comme cet ambre de belle imitation, nous rayonnons d'imperfections...
Les yeux vairons de Sami clignent. Un oeil vert, l'autre ocre, des pupilles en mydriase permanente. Son front est chaud, des enfants débarquent du bateau en uniforme d'écoliers, Sami attrappe le bras de Layla, le secoue comme une enfant impatiente "Rêve de ton île, n'arrête jamais de rêver de cette terre aux contours d'océans...les autres, ceux qui te veulent attachée au continent ne sont que des cachottiers. Ils dissimulent leurs rêves perdus..."
Le long de la première plage, Layla marche vers la digue aux zébrures de rouille, elle salue le pêcheur emmitouflé dans son ciré assis sur un seau retourné, immobile comme une matriona au marché de moscou un jour de grand froid. "Attendre des jours meilleurs" semble dire le vieux pêcheur. Layla lève les les yeux. Près d'un nuage aux allures de grand fauve, un oiseau plane et semble dire "Garde ton point de mire comme si c'était l'avenir".