par l’anachroniqueuse
En tête de gondole de la pub mondialisée (cf: urbi et orbi), tout chaud sorti du four Publicis, voici le film promotionnel de la marque Orange. Mais si si si…. Vous l’avez déjà vu : des “gens de tous les âges, de tous les pays, de toutes les religions et de toutes les couleurs” se livrent avec entrain à un barbouillage de peinture sur tout ce qui leur tombe sous la main, tôle ondulée, porte de voiture, drap de lit…
Au cœur de l’énigme, une couleur. Celle-ci est digne de la robe de lune de Peau d’âne. Un carré de vide sidéral qui garderait la lumière allumée dans un coin, à peine troué de quelques étoiles. Ni bleue, ni noire, spatiale, une couleur de la béance, lorsque Dieu et son verbe, comme l’effraie, rasaient les eaux primordiales en grand silence.
Du vieux maître calligraphe chinois qui prend un plaisir à peinturlurer, aux enfants« en voie de développement » ravis de s’en mettre jusque-là, toute la planète prépare en liesse et en musique happy days quelque chose que le téléspectateur ne saisit pas encore…Une secte ?Non, ces gens ont l’air trop bien nourris… Un attentat ? Non, rien d’étrange, pas de barbes, ni bandeaux kamikaze, ni même quelqu’un l’air un peu louche. La guerre ? Meuhh non, y’a des femmes et des enfants on te dit ! Bin alors quoi alors ? Que peuvent-ils bien ourdir sous nos yeux, de Bangkok à Delhi, de Niamé à Abou Dhabi, de Cracovie à Ushuaia, à pied, à cheval et en pirogue ? Bin une BLAGUE, pardine ! Une blague mondiale, planétaire. Une blague CO-SSE-MIQUE, comme dirait César.
C’est alors que le spectateur comprend. Les milliards de participants, tous autant qu’ils sont, du garçonnet noir à la demoiselle thaïe, tout ce brave petit « monde » lève haut sa face de néant et la porte à bout de bras, en pouffant d’avance. Comme aux championnats du monde de cascade de dominos, l’iris gigantesque et bleu vert de la planète, traversé d’une gaze de nuages, bat des cils en un titanesque clin-trompe-l’œil. Passant de la lumière à l’ombre. En moins de temps qu’il n’en faut pour lâcher les lamelles d’un store, il se ferme, dissout ses contours jusqu’à se confondre.Et paf ! Plus rien. Juste Mars-la-rouge qui flotte là-bas entre deux trous noirs…
Est-ce une blague faite à Dieu afin qu’il en avale son jugement dernier ? Un calembour à destination des « autres formes de vies » penchés à la balustrade des galaxies ? Non. C’est juste Ivan, un cosmonaute russe qui, passant devant le hublot en orbite géostationnaire, s’en décroche la mâchoire et appelle Cognac-jay… euh… Cap Canaveral ! Euh…non, enfin bref, le camarade Poutine quoi, pour demander confirmation « tellement qu’il est scié » ! L’écran passe au noir profond et cette fois tout à fait inaltérable : « Allons plus loin ensemble » nous dit la company dans un parfait « Helvetica ». La chanson gentillette et le logo du groupe de télécommunication signent le tout. Cut.
Enfants de tous les pays, vous êtes, pauvres de nous, riches de peu d’espoir mais d’un belavenir.Donnez vous donc la main et prenez le temps de rire un peu, la terre est enfin bleue comme une orange.
Pub Orange Planète