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Profit dominical

Publié le 17 juillet 2009 par Malesherbes

Toutes ces déclarations tonitruantes à propos de l’impact décisif du travail dominical sur le niveau de l’emploi appelleraient une étude un peu plus sérieuse de la question.

Si on laisse de côté pour l’instant le cas des zones touristiques, il est très vraisemblable que les dépenses des particuliers ne dépendent pas des heures d’ouverture des commerces mais sont plutôt limitées par la modicité des revenus du plus grand nombre. Dans leur immense majorité, les Français disposent de deux jours de repos hebdomadaires et, si l’un de ceux-ci est le dimanche, il leur est possible de faire leurs achats au cours de l’autre journée libre. Fréquenter les zones commerciales le dimanche constitue peut-être une activité de loisir mais elle se limite à des achats qui seraient tout aussi aisément réalisés d’autres jours de la semaine. Etendre le travail dominical ne me semble pas de nature à amener les Français à augmenter leur consommation. Celle-ci reste limitée par leurs revenus et par la nécessité pour beaucoup de se constituer une épargne de précaution.     

Lorsque l’on légifère, il ne faut pas perdre de vue qu’il s’agit de travailler dans une perspective à long terme. Cela aurait évité aux avocats de cette loi le ridicule de la justifier avec un horizon calé sur l’été prochain. Il a vraisemblablement échappé à nos talentueux députés UMP, qui eux se gardent bien de travailler le dimanche, et bien souvent d’autres jours, que le commerce est en train d’évoluer. C’est ainsi que les grands distributeurs constatent la désaffection du public pour les hypermarchés et s’efforcent de préserver leur part du gâteau en investissant avec des supérettes les centres villes qu’ils avaient évités. De même, si les ventes par correspondance sont en diminution sensible, les achats via l’Internet sont en train de s’imposer, en croissance forte et même, n’est-ce pas chère Madame Lagarde, positive. On peut ainsi passer des commandes à tout moment, sans devoir se déplacer dans des boutiques et en ne se préoccupant ni de l’heure, ni du jour.

Nos promoteurs du travail dominical, des autres, oublient également que les mœurs évoluent. Depuis l’an 2000, on a constaté une augmentation régulière de la natalité. Ceci est d’autant plus étonnant que d’ordinaire, dans une période difficile comme celle que nous traversons, où les perspectives d’avenir s’assombrissent, les couples ont tendance à différer les naissances. N’est-ce pas là l’indice d’un repli sur la famille, les Français s’écartant du culte de l’argent pour se tourner vers des valeurs plus fondamentales ? D’autres inflexions se profilent, provoquées par des sensibilités nouvelles telles l’écologie ou le développement durable. Il serait assurément plus avisé d’accompagner l’évolution de notre société de consommation plutôt que de tenter de s’y opposer.   

Demeure bien sûr la question des dépenses faites par les touristes étrangers. Certes, il leur reste six autres jours pour vider leur escarcelle mais comment pourrait-on voir nous échapper la manne procurée par ceux qui ne sont chez nous que le dimanche ? En suivant le même raisonnement, il importerait, du moins à Paris, d’assurer l’ouverture des musées le mardi. Songez à tous ces billets d’entrée que, présentement, nous perdons à tout jamais ! Les mêmes subtils législateurs n’ont peut-être pas remarqué non plus que nous entrons dans une ère où les déplacements vont-être moins nombreux et où leur coût risque de fortement réduire les séjours d’une seule journée, si peu dispendieux quand effectués un dimanche de fermeture.

J’entendais récemment un commerçant déclarer qu’il réalisait un tiers de son chiffre d’affaires le dimanche. Peut-être, mais cela ne signifie nullement qu’une fermeture le dimanche le priverait de ce tiers de chiffre d’affaires. D’autre part, indépendamment d’éventuels surcroîts de rémunération, le coût salarial est sensiblement plus élevé le dimanche, l’afflux de clientèle imposant un personnel plus nombreux ce jour-là. Or nul n’ignore que, dans une entreprise, c’est le personnel qui coûte le plus. La meilleure preuve en est que, en cas de difficultés, les chefs d’entreprise, à leur cœur défendant, choisissent de licencier des salariés. Qu’attend-t-on pour déterminer plus précisément si l’adaptation inscrite dans cette loi est vraiment source d’une prospérité accrue ?     


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