La mémoire

Publié le 17 juillet 2009 par Mmblog
Suite de notre série sur la Gestion Mentale.
La mémoire
Antoine de La Garanderie s’est intéressé à la mémoire dans le cadre de la réussite scolaire. Il s’est donc attaché à nos deux mémoires principales – la visuelle et l’auditive – qui sont pour ainsi dire les seules utilisées à l’école*. La Garanderie a non seulement écrit, mais inspiré une abondance de livres qui permettent d’appliquer ses recherches. Peut-être peut-on les résumer ainsi : l’apprentissage suppose attention, mémorisation, compréhension, réflexion et imagination. Ces cinq « gestes mentaux » permettent de percevoir l’information, de reproduire cette perception sous la forme d’une évocation mentale visuelle ou auditive, et enfin de restituer cette information. Pour lui, le cœur du problème des enfants en difficulté d’apprentissage est l’évocation mentale. Certains, pour reconstituer la leçon dans leur tête, utilisent volontiers des images visuelles, les autres des images auditives. Par exemple, un enfant visuel peut apprendre à « photographier » les mots et en restituer l’orthographe exacte, tandis qu’un enfant auditif décode phonétiquement ce qu’il lit, sans s’intéresser à l’orthographe ; celui-là a besoin d’épeler intérieurement la difficulté pour ne pas faire de fautes. Il faut donc essayer de découvrir si l’enfant est plutôt auditif ou visuel (il n’est jamais uniquement l’un ou l’autre) et l’aider à utiliser ses capacités propres. Bien souvent, l’enfant en difficulté ne les utilise pas à l’école, ou uniquement dans certaines branches. Ce type de problème surgit notamment chez un enfant très auditif qui a une institutrice très visuelle (ou vice versa), quand celle-ci ne réalise pas qu’elle ne stimule qu’un type de mémoire chez ses élèves. Cela peut aussi arriver avec les parents. Il est bon d’apprendre à connaître son enfant et de développer des stratégies qui lui conviennent pour prévenir les éventuelles difficultés.
L’entraînement de la mémoire ne peut se diviser en « initiation » et « approfondissement ». Il s’agit plutôt de stimuler chaque type de mémoire, en privilégiant celui qui convient le mieux à l’enfant.

La « représentation mentale » et « la mise en projet » sont les clefs de la mémorisation.
Antoine de La Garanderie les préconise et on les retrouve chez les grands spécialistes de la mémoire qui ont décrit au XVIe siècle les techniques de mémorisation qui permettaient les prouesses des érudits du Moyen Âge. Pierre de Ravenne décrit** une technique qui évoque la « mise en projet » : « Il faut choisir une église déserte, en faire le tour trois ou quatre fois en fixant dans son esprit tous les endroits où déposera par la suite ses images mnémotechniques. Chaque locus devra être distant de cinq à six pieds des autres. » Il fixa ainsi au cours de ses voyages plus de cent mille lieux mémoratifs qui lui permettaient de retrouver et de reproduire mot pour mot l’ensemble du droit canon, deux cent discours de Cicéron et vingt mille points du droit civil !
Giordano Bruno, lui, décrit poétiquement la « représentation mentale » : « Se souvenir de ces Ombres d’idées, contractées pour l’écriture intérieure***. »
Marie-Claude Roche****, psychologue clinicienne formatrice en gestion mentale d’après les méthodes d’Antoine de La Garanderie, est une des rares spécialistes à les appliquer aux jeunes enfants, s’intéressant ainsi à prévenir les dégâts plutôt qu’à les guérir. Elle insiste sur l’importance de ces deux clefs de la mémoire :
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*On s’aperçoit de plus en plus que la vocalisation et l’articulation sont des aides précieuses de la mémoire (notamment pour l’apprentissage des langues), mais elles sont encore très peu utilisées à l’école. Quant au rythme et au geste, il n’en est même pas question au-delà du CP !
**Dans « Phœnix, sive Articiosa Memoria » (Venise, 1491), cité dans Les Découvreurs de Daniel Boorstin, collection « Bouquins », éditions Robert Laffont.
*** « Circé, ou les Ombres d’idées » (1582), cité dans Les Découvreurs.
****Formatrice au GER éducation qui est une des associations les plus importantes qui apprend la gestion mentale aux jeunes (à partir du CM1) dans divers lieux de France. GER éducation a deux adresses :
- Centre Thorigny 9, rue Sainte-Anastase, 75003 Paris. Tél. 01.48.04.59.29 ;
- 31, cours Emile-Zola, 69100 Villeurbanne. Tél. 03.78.89.56.28.
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1. Se représenter mentalement. Il faut comprendre que la perception seule n’est rien. Ce n’est que quand elle débouche sur la représentation mentale précise que la mémorisation se fait. Cela implique de nombreuses discussions qui incitent l’enfant à prendre conscience de ce mécanisme et à le maîtriser. Ainsi un enfant qui a une mémoire plutôt visuelle peut très bien se représenter le soleil quand on lui en parle. Mais il est très possible qu’il n’évoque que l’image et pas le mot :
« - Quand je te dis « soleil », tu dois non seulement voir le soleil, mais aussi le mot « soleil » qui s’inscrit dessus. Tu le vois ?
- Ah oui ! … Je n’y avais pas pensé avant ! »
Dialogue typique !
L’autre point important est de laisser à l’enfant tout le temps dont il a besoin pour réaliser cette évocation mentale. Si c’est un auditif, il aura besoin de se décrire ce qu’il se représente. C’est un processus très lent, mais de très grande qualité. C’est ainsi que les enfants très auditifs apprennent à lire plus lentement ; parce qu’ils décrivent les lettres et les caractéristiques particulières des mots pour pouvoir les retenir.
Enfin, appuyez-vous sur le type de mémoire qui est le plus naturel à l’enfant, mais encouragez-le à utiliser l’autre. Il en aura besoin aussi. Il ne faut pas le rendre « ou sourd ou aveugle ».

2. Se mettre en projet est la clef de la mémorisation à moyen et long terme.
Quand l’enfant se concentre pour apprendre un mot ou un geste, il très important de lui faire imaginer le moment où il devra reproduire oralement ou par écrit, car la mémoire est un acte de projection dans le futur et non pas un travail sur le passé. C’est dans la mesure où l’on se prépare pour le futur que l’on retient ce qui va devenir du passé. Et si l’on n’a pas fait cette projection, le souvenir du passé sera flou et incomplet. Pour que l’enfant comprenne bien la « mise en projet », il faut bien sûr l’y préparer avant d’aborder l’objet à mémoriser. C’est d’ailleurs une excellente manière de mobiliser son attention. Voici deux façons d’aider l’enfant à comprendre ce mécanisme :
· La visite. Avant de faire une excursion :
« Tu sais, Mamie aimerait bien venir avec nous, mais elle ne peut pas. Alors tu vas lui faire une surprise et je vais t’aider. Tu vas tout regarder en pensant à elle. Tout ce qui te plaît et que tu aimerais bien lui montrer ; tout ce que tu crois qui pourrait l’intéresser ; ainsi que ce qui sera indiqué en grand, ce qui signifiera que c’est sans doute important pour tout le monde. »
Au cours de la visite, vous lui rappelez le projet de la raconter à sa grand-mère, vous l’aider à choisir ce qui est important, vous lui demandez de vous montrer comment il va raconter, etc. quand il racontera, écoutez-le. Quand il a fini, s’il a oublié certaines choses, aidez-le à refaire la visite chronologiquement pour retrouver les moments oubliés.
· La leçon. Cette mise en projet doit devenir un procédé automatique. Quand l’enfant apprend
une leçon, il doit unir deux images dans sa tête : s’imaginer en train de réciter cette leçon dans sa classe (ou en train de l’écrire assis devant sa feuille) et associer à cette image la représentation de ce qu’il est en train de faire (il est assis à son bureau dans sa chambre, c’est jeudi soir il fait déjà sombre, la leçon se trouve dans tel livre, à tel chapitre, etc.). L’association de ces deux situations l’aidera à faire rejaillir le souvenir précis.
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Mémoire auditive – Mémoire visuelle. Ces jeux permettent à la fois d’observer laquelle des deux mémoires l’enfant utilise le plus volontiers et de l’encourager à employer les deux. Cela vous permettra de mieux comprendre votre enfant et de l’aider efficacement dans ses apprentissages. Analyser votre propre mémoire, par la même occasion. Et si votre enfant n’est pas du même type que vous, souvenez-vous que vos « petits trucs » ne sont pas les siens. Pensez à vous mettre à sa place, quand vous lui apprenez quelque chose.
1. L’objet voyageur (3 ans – 10 ans)
· Mémoire visuelle : Montrez à l’enfant une série d’objets (par exemple : crayon, Lego, pion, carte et poupée). Dites à l’enfant de se retourner, enlevez un des objets, puis demandez-lui de regarder et de vous dire lequel manque. Augmentez petit à petit le nombre d’objets.
S’il n’y arrive pas, il a sans doute une meilleure mémoire auditive que visuelle. Dites-lui alors de nommer une ou deux fois la série d’objets, avant de se retourner. S’il y parvient mieux, encouragez-le à nommer les objets les yeux, puis à le faire mentalement en silence.
· Mémoire auditive : Nommez trois fois une série d’objets. Annoncez à l’enfant qu’un objet s’est envolé et répétez-lui la série une quatrième fois en omettant un objet qu’il doit retrouver. Augmentez peu à peu le nombre d’objets et ne dites plus que deux fois, puis une fois la série avant d’en retirer un.
S’il n’y arrive pas, sa mémoire visuelle est sans doute meilleure. Enumérez le série lentement en lui disant de voir chaque objet dans sa tête. Quand il vous dit qu’il les voit bien, dénombrez la série lentement en omettant un objet.
Ces deux jeux sont simples et vous permettent de mieux cerner le processus mental de votre jeune enfant.
2. Tout de mémoire ! (6 ans – 14 ans)
Vous faîtes les mêmes jeux, mais cette fois il faut reconstituer de mémoire toute la liste d’objets. Quand l’enfant les regarde, incitez-le à « se mettre en projet » : qu’il s’imagine l’instant d’après en train de reconstituer la série. Il fera ainsi automatiquement appel à ses facultés propres.
3. La lettre envolée (3 ans – 6 ans)
· Mémoire auditive : Prenez une marionnette et montrez-lui un objet :
Vous : Qu’est-ce que c’est ça ?
1ère marionnette : Able !
Vous : Able ? !
L’enfant : Table ! C’est une table !
Vous : Qu’est-ce que tu dis, toi, marionnette ?
1ère marionnette : Able !
Vous : Elle ne dit pas comme toi ? Qu’est-ce qui ne va pas ? … Est-ce qu’il manque quelque chose ?
L’enfant : Oui !
Vous : Quoi ?
Et ainsi de suite, jusqu’à ce l’enfant réalise qu’il manque le son t. Ensuite prenez une autre marionnette qui dira « tale » et l’enfant devra trouver le son b. Puis une autre qui dira « tble ». Une quatrième dira « tabe » et une dernière dira « tabl ». Au début, l’enfant aura des difficultés à cerner ce qui manque, mais ce sera de plus en plus facile, si vous décortiquez le même mot.
Soyez drôle, changez de voix pour chaque marionnette, mais articulez très clairement !
· Mémoire visuelle :
Quand l’enfant connaît bien son prénom écrit, écrivez-le avec des lettres mobiles que vous assemblez et oubliez-en une : « Il me semble qu’il y a quelque chose qui ne va pas… » L’enfant vous le dira rapidement, faites-lui bien prononcer le nom et/ou le son de la lettre envolée.
Quand il découvre la lecture analytique, choisissez un mot qu’il ne connaît pas vraiment, mais qui ne comporte pas de difficultés orthographiques : tartine, mur ou tigre, etc. Vous l’écrivez avec les lettres mobiles en en oubliant une. Au début, vous l’aidez : « Il me semble que c’est « tartine », mais il y a quelque chose qui ne va pas… » Ensuite, vous essayer de ne pas lui dire de quel mot il s’agit. Et enfin vous pouvez ainsi l’aider reconnaître les difficultés orthographiques, ou , ch, eil, oin, etc.
4. Les deux mémoires dans le quotidien. (3 ans – 10 ans)
Observez votre enfant et utilisez les occasions qui se présentent. Par exemple, quand vous l’emmenez faire des courses : « Il faut acheter du pain, du lait, des œufs, du beurre et du jambon. Toi, tu t’occupes de retenir ça. Répète avec moi… » Arrivés au magasin, il doit vous les rappeler. Une autre fois, vous faites avec lui une liste visuelle. Selon sa maturité et ses connaissances de l’écrit, vous lui montrez les objets avant de partir ou vous collez des images sur un papier ou vous écrivez la liste. Quand il a bien observé, vous partez, et il ne pourra vérifier la liste que quand il pensera vous avoir désigné tous les produits à acheter.

5. Le recours à l’articulation. (3 ans – 10 ans)

Ce recours est particulièrement utile pour relier les mémoires auditive et visuelle.
· La prononciation de l’orthographe est une excellente manière d’aider les « auditifs » qui peinent. La première chose est de faire épeler les mots difficiles pour que l’enfant s’en souvienne au moment d’écrire, mais il est beaucoup plus amusant et donc plus efficace de les prononcer ! Ainsi « beaucoup » devient « be-a-u-co-up » ; « temps » devient « te-m-ps ». Il faut les prononcer rapidement et les introduire dans la conversation : « Donne-moi la « ma-i-n » ! »
Pour les langues étrangères, ça marche très aussi. Il y a bien sûr le fameux « Sha-kes-pe-are », mais aussi « s-cho-ol » ou « to-uggghhh » ! De plus, l’enfant, jouant ainsi à prendre un accent français caricatural, sera plus conscient et donc plus sensible à la prononciation correcte.

Refaire la même forme ou la « représentation mentale ».

La représentation mentale est une fonction de l'intelligence qu'il est très important de développer. Voici un petit jeu tout simple. Prenez des allumettes et utilisez-les pour en faire une forme. Dites à votre enfant de la copier. Quand il y arrive facilement, couvrez-la après qu'il l'a regardée, et demandez-lui de la copier de mémoire. Utilisez de plus en plus d'allumettes pour compliquer la forme.
Variante : dessinez une maison rudimentaire, avec un nombre d'éléments précis. Par exemple, au rez-de-chaussée : une porte à droite et une fenêtre à gauche; au 1er étage : deux fenêtres. L'enfant doit dessiner la même maison sans oublier d'éléments.
Vous pouvez faire le même jeu avec n'importe quel dessin simple et précis. Pour que votre enfant arrive à le redessiner de mémoire, laissez-lui d'abord le modèle à recopier et puis enlevez-le. Observez comment il s'y prend. Encouragez-le à voir le dessin dans sa tête, demandez-lui de vous le décrire : d'abord en le regardant ; puis dans sa tête avant de le reproduire sur la feuille. Vous l'aiderez ainsi à réfléchir avant d'agir !

Mémoires auditive et visuelle. (0 – 3 ans)

Nous avons chacune une préférence pour l’une d’entre elles, qui nous pousse à présenter les choses toujours de la même façon. Or le bébé n’a peut-être pas le même type de mémoire. Il est bon d’en être conscient pour varier nos présentations et ne pas le rendre « ou aveugle ou sourd », comme dit Marie-Claude Roche*. Pour cela il est bon, dès les premiers jeux de langage, d’encourager les deux approches. Notamment quand vous pratiquez l’ « étiquetage oral »** : parfois vous commencez par présenter l’objet ; d’autres fois vous dites d’abord le mot.
« Regarde ceci… tu le vois ?… Touche… sens… c’est une pomme… ça s’appelle pomme ! »
« Et maintenant je vais te montrer une banane ! Tu ne sais pas ce que c’est qu’une banane ?! Eh bien, la banane est longue et jaune ! Tu veux la voir ?… Attention… La voici ! »
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*Marie-Claude Roche, psychologue clinicienne formatrice en gestion mentale d’après les méthodes d’Antoine de La Garanderie, est une des rares spécialistes à les appliquer aux jeunes enfants. Elle insiste beaucoup sur l’importance de ce jeu qui prépare mieux l’enfant à utiliser toutes ses facultés et qui empêche le parent de s’enfermer dans un seul type de présentation.
**L’étiquetage oral. (0 – 3 ans) : Prenez l’habitude de lui montrer ce qui l’entoure et de le désigner clairement, en répétant souvent d’une voix enjouée.