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Parvenu dans notre boîte à lettre sans crier gare, HOREHOUND est un grand album de blues rock actuel. Ses concepteurs ? Répondant de l’énigmatique nom The Dead Weather pour mieux se cacher, le quatuor rassemble quelques belles personnalités. Supergroupe pour les fainéants, The Dead Weather possède une cohésion évidente et une force de frappe lui donnant une âme toute particulière dans cette décennie éponge. La présence de Jack White n’est pas son salut. Meneur des White Stripes, il s’était déjà humblement associé à un collectif pour créer The Raconteurs. Pour ce nouveau projet, l’érudit de Détroit conserve ses préceptes mais officie à la batterie. Qui pour le remplacer à la guitare ? Un proche, Dean Fertita, actuel guitariste de Queens of the Stone Age mais aussi des Raconteurs. A la basse, Jack Lawrence, lui aussi des Raconteurs tout en menant la barque des Greenhornes. Les mauvaises langues diront forcément que l’association et facile. Il est en effet permis de s’interroger sur la viabilité de cette constance à enchaîner la création de projets. Si l’on ne regrettera pas vraiment le jeu de batterie de Meg White, force est de constater que Jack White semble être arrivé à saturation avec The White Stripes : plus d’une décennie à sillonner les caves puis les salles du monde pour terminer par être réduit au rôle de simple administrateur de la vague rock. Ses albums ont semblé perdre en rage brute, en ce garage somme toute élémentaire mais totalement fondamental. Puissent ses nombreux admirateurs se contenter des Raconteurs et de Dead Weather…
Plus qu’un excercice de style, HOUREHOUND consacre des acteurs valeureux d’un genre musical calomnié car pompé jusqu’à l’os et annoncé cyniquement pour mort. Penser que White, Mosshart, Lawrence et Fertita s’y adonnent pour la gloire serait grossier.
Jack White n’est pas fautif. Et ne connaît pas le déclin. Cette fin de décennie apparaît comme sa phase transitoire, comme si son intronisation au panthéon du rock devait attendre un peu, trop humble pour forcer le verrou d’un portique souillé. Il ne saurait faire fausse route, tant, on l’a dit, The Dead Weather convainc. D’autant plus que ce groupe cache une heureuse surprise. Ayant sans doute fait le tour de la question avec The Kills et son troisième album, l’hybride MIDNIGHT BOOM, Allison Mosshart est de la partie et bien en forme. Il suffit de l’entendre sur l’inaugural “60 Feet Tall” pour saisir son statut au sein du groupe : une pièce maîtresse, qui permet ainsi de lui donner définitivement une légitimité usurpée avec The Kills. Voilà un grand morceau pour le biker frustré et l’orpheline laissée sur le bord de la route: «hooked up to my motor all day long we go down to texas up to montreal», voilà une décharge électrique, voilà un putain de solo de guitare.
“Hang You From The Heavens” est lui le single de l’album, judicieusement choisi car loin des titres faciles présentés à la presse tant par The White Stripes que par The Raconteurs. Par facile, comprenez directs, entêtants mais peu brusques. Ici, on se croirait plus proche de Shellac. Joué plus en rythmique, le titre “I Cut Like A Buffalo” unit chant scandé de White, orgue rétro et voix réminiscentes pour un tour en train fantôme réussit. “So Far From Your Weapon” baisse le rythme mais ne perd rien en tension pour un gospel de l’enfer. La mort ne rôde pas, elle se joue de ce disque. Elle sait se faire foutrement réjouissante sur “Treat Me Like Your Mother” ou sur “Rocking Horse”. Le souffle de Led Zeppelin pousse The Dead Weather sur le morceau de bravoure “New Pony” alors que “3 Birds” repose les amplis en une poignée de minutes instrumentales joliement hypnotiques. Très classe, Jack White clôt l’affaire par “Will There Be Enough Water?” dans un blues crépusculaire. Avec un tel disque, on veut bien attendre le grand retour de son groupe originel.