La cruaute des colons israeliens.

Publié le 01 octobre 2007 par Menye Alain

Reportage
En Cisjordanie, les colons israéliens radicaux repartent à la conquête de nouvelles collines
LE MONDE 01.10.07 14h32 • Mis à jour le 01.10.07 14h32
EFRAT (CISJORDANIE) ENVOYÉ SPÉCIAL
Pas question de passer. Ni en voiture ni à pied. D'importantes forces de police avaient pris position, dimanche 30 septembre, à l'entrée et en différents points de passage de la colonie d'Efrat, à l'est du "bloc" de Etzion, situé à une vingtaine de kilomètres au sud de Jérusalem. Ce déploiement de forces visait à contrer les quelques centaines de manifestants qui avaient décidé de faire de cette journée celle de la conquête de nouvelles terres. Deux ans après leur retrait de la bande de Gaza, au cours de l'été 2005, les colons radicaux ont entrepris de repartir de l'avant à l'occasion de la fête juive de Soukkot (Fête des cabanes). Ils ont fixé cinq objectifs de création de nouvelles colonies sauvages, qui viendraient s'ajouter aux 101 déjà répertoriés par le mouvement La Paix maintenant. Deux sont situées au Nord, dans la région de Naplouse, une près de Ramallah, au centre de la Cisjordanie, et deux au Sud.
L'armée a déclaré ces secteurs "zones militaires fermées", mais les colons, venus avec enfants et pique-nique, ont franchi sans encombre les barrages pour aller s'installer au sommet des collines convoitées. A Efrat, ils ont marché pendant près de trois kilomètres pour prendre position sur les hauteurs d'Eitam et de Zaït, noms de deux monticules sur lesquels ils souhaitent s'établir. Tous deux sont situés au-delà de l'espace arasé sur lequel, bientôt, s'élèvera la "clôture de sécurité" entourant cette colonie de 7 000 habitants, qui domine les villages palestiniens sur les terres desquels elle a été édifiée.
"Nous sommes déjà installés sur cinq collines. Efrat, c'est sept collines qui correspondent aux sept épices. Nous allons nous battre pour les faire nôtres. La Judée appartient aux juifs. Nous étions ici il y a cinq mille ans. Le monde entier est contre nous, mais Dieu est avec nous. Nous allons finir par y arriver, car c'est comme cela que l'Etat juif a été construit, petit à petit..." : Eli Sheva Atlow a revêtu le T-shirt orange, couleur de ralliement des colons de la bande de Gaza dans leur lutte contre leur éviction de ce territoire décidée par Ariel Sharon. Elle a déjà passé vingt-cinq ans a Efrat, dit vouloir faire autant d'enfants que Dieu le lui permettra et n'a pas l'intention de baisser les bras. "Mon père a été expulsé d'Algérie, ma mère de Pologne : je ne partirai jamais d'ici. Les juifs en Judée, les Arabes en Arabie", lance ce petit bout de femme, relayée dans ses convictions par tous ceux qui l'entourent.
"Regardez nos maisons. Elles sont toutes entassées les unes sur les autres. Les Arabes, ils ont de l'espace", renchérit un voisin. Nadia Matar, tête de file des Femmes en vert, mouvement radical de lutte en faveur des colonies, est venue apporter son soutien, accompagnée par Arye Yitzhaki, également un ancien du Goush Katif, les colonies démantelées dans la bande de Gaza. "Nous allons continuer à construire des communautés et reconvertir le territoire du pays des Patriarches", affirme-t-il.
Un peu plus au sud, à proximité d'Hébron, où se trouve justement le Caveau des Patriarches, un lieu saint vénéré à la fois par les juifs et les musulmans, d'autres colons ont contourné facilement les militaires et la barrière jaune nouvellement installée pour gravir la colline 1013, au sommet de laquelle flotte le drapeau israélien. Ce promontoire, situé au carrefour de Halhul conduisant à Hébron, domine la route 60, qui traverse la Cisjordanie du nord au sud. C'est un point stratégique, contrôlé par l'armée, que les colons, là encore, voudraient investir. Certains ont prévu de passer la nuit sur le terrain de leurs nouvelles conquêtes. Les forces de l'ordre interviendront-elles ? Et quand ? Lundi, une nouvelle marche était prévue en direction de la colonie d'Homesh, dans le nord de la Cisjordanie, évacuée pendant l'été 2005 et devenue le symbole d'une reconquête espérée. Les colons ne désarment jamais.
Michel Bôle-Richard
Article paru dans l'édition du 02.10.07