Alain Delon : un coup de pub signé Dior

La cigarette que tenait dans la main Alain Delon sur une photo prise en 1966 a été effacée pour les besoins publicitaires de Christian Dior. La loi Evin et les associations de non-fumeurs ne semblent en aucun cas mêlées à cette retouche.
 

 

Après la pipe de Tati, remplacée par un moulin à vent pour l’exposition à la cinémathèque française et le mégot d’Audrey Tautou, disparue pour l’affiche de Coco avant Channel, c’est au tour de la clope de Delon de se volatiliser. La nouvelle mode, visiblement, est à la suppression des cigarettes des photos destinées à la pub ou au ciné. Pour booster la campagne de son célèbre parfum Eau Sauvage, la maison Dior a ressorti un cliché de Jean-Marie Périer mettant en vedette le beau et ténébreux Alain Delon en 1966. L’année coïncide avec son rôle dans la Piscine mais aussi du lancement du parfum Eau Sauvage.

Le problème sur l’affiche de Dior, qui laisse apparaître la photo retouchée, c’est donc l’effacement de la cigarette que l’acteur tenait entre les doigts. Elle a été gommée au nom de la loi Evin de 1991, mise en place pour lutter contre le tabagisme, mais qui pourtant n’a formulé aucune exigence visant à extraire la cigarette de la photo. Jean-Marie Périer a certes donné son accord pour la suppression, mais pour le critique littéraire Frédéric Beigbeder cette publicité est la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Il s’emporte contre « ces retouches numériques intempestives pour gommer toute clope, cigare ou pipe ». Il est vrai qu’on aurait du mal à imaginer une affiche pour les œuvres de Serge Gainsbourg où les cigarettes seraient censurées.

Est-ce vraiment par peur de la loi Evin, qui interdit la publicité en faveur du tabac et de l’alcool, que Dior réinvente un Delon non-fumeur ? Les polémiques nées lors des affiches de Jacques Tati et d’Audrey Tautou font davantage penser à un coup médiatique savamment mis en scène par Dior pour préserver son image de marque. Les spectateurs ne sont pas dupes. Supprimer une cigarette donne un bon coup de pub sans grand investissement. Le président de l’association Droit des non-fumeurs (DNF) Gérard Audureau, qui évoque une autocensure détestable, indique que « jamais son association n’aurait attaqué le publicitaire pour ce type d’image d’archives historiques ». En réalité, poursuit-il, « c’est une manière de faire de la publicité autour d’un événement et de décrédibiliser la loi Evin en l’accusant de cette suppression ».