C’est Coca Cola qui a lancé le personnage actuel du Père Noël. Le dos d’une petite cuillère introduit dans le col d’une bouteille de champagne conserve ses bulles. Il ne faut pas se baigner juste après après avoir déjeuné. Les statues équestres énoncent un message codé : cheval cabré, le personnage est mort à la guerre. Un sabot levé, il est mort dans son lit d’une blessure. Cheval sur ses quatre pattes, il est mort dans son lit. La muraille de Chine est le seul monument humain visible depuis la Lune…
Voyons maintenant une fable à laquelle je croyais dur comme fer jusqu'à hier : l’invention du rugby. Jusqu’à ce qu’une de mes amies, Axèle, aille assister à un cycle de conférence à Rugby, et que cela me donne l’idée d’aller y voir plus près. Voici la jolie histoire qu’on raconte : William Webb Ellis aurait inventé le rugby là-bas, en 1823. Ce gars-là est mort et enterré en France, au cimetière du vieux château à… Menton. J’aurais dû me méfier…
On raconte qu’en pleine partie de “folk football”, variante locale de la soule française, Webb Ellis aurait pris le ballon à la main (ce qui était autorisé, dans la variante du jeu en question) et couru en avant (ce qui ne l’était pas) pour aller le déposer le ballon derrière les lignes adverses. Des générations d'amateurs de ballon ovale ont entendu et colporté cette anecdote. Posez discrètement la question, si vous croisez l'un d'eux. La seule source sur cet incident soi-disant fondateur du rugby est un certain Matthew Bloxam, qui raconta, en 1876, dans le journal de l’école de Rugby, qu’il avait entendu un de ses amis dire qu’il avait vu Ellis prendre le ballon et se mettre à courir en avant. Précisons que dans ce jeu, si un de vos adversaires tapait la balle au pied, le joueur de l'autre équipe qui la récupérait directement dans les bras figeait le jeu : les adversaires ne pouvaient avancer que jusqu’au point de réception, pas plus loin. Et le récupérateur pouvait reculer pour prendre son élan et taper au pied à nouveau. Cette phase existe encore dans le rugby moderne (arrêt de volée). Tout ça ressemble furieusement à l’histoire de l’homme qui a vu l’homme qui a vu l’ours : allez vérifier un témoignage de seconde main 53 ans après! Le principal intéressé, Ellis (ci-contre) était mort depuis quatre ans, après avoir pris sa retraite d'homme d'église sur la Côte d'Azur, comme des flopées de ses concitoyens. En plus, les règles du jeu n’étaient pas claires, à l’époque, les joueurs décidant des règles avant la partie, voire en cours de jeu. Un peu comme moi aux mille bornes, finalement. Et le football lui-même n’existait pas. Qu’un incident aussi mineur ait permis de passer d’un jeu de pied (football) à un jeu de main (rugby) est donc très improbable, même si on veut être gentil. Pendant qu'ils y étaient, ils auraient dû soutenir qu'Ellis avait failli inventer le "Moon walk"... Il semble que l’association des anciens élèves de Rugby, la Old Rugbeain Society, se soit payée à l'époque une belle opération de relations publiques, comme l’indique “The ultimate Encyclopedia of Rugby”, éditée par Richard Bath. Entre dire que vous entrez dans une Université anglaise lambda, et dire que vous usez vos fonds de culotte là où a été inventé le rugby, ce n’est évidemment pas la même chanson, pour attirer les étudiants. Et ça leur a juste coûté un article dans le canard corporate et l’achat d’une plaque en marbre, posée sur le mur du jardin du Headmaster. Depuis, la légende joue toujours sa petite musique. Et la tombe de Webb Ellis, redécouverte en 1958 par l'un des jumeaux fondateurs du Guinness Book des records, Ross McWhirter, est maintenant entretenue par la Fédération Française de Rugby.Illustrations : Wikipedia/Webb Ellis, Matthew Bloxam/Libraries Heritage and Trading Standards, Warwickshire County Council. Tombe de Webb Ellis/123savoie.com. Dessin de Webb Ellis jouant/Lordprice Collection