Ceux qui ont vu ou lu les dernières infos savent que Natalia Estemirova, militante des droits de l'homme russe, travaillant pour l'ONG Mémorial et dénonçant les exactions et enlèvements en Tchétchénie, a été elle-même enlevée hier à Grozny et retrouvée assassinée le soir même dans une forêt ingouche. Tous les journaux relatant cet assassinat font un parallèle avec le meurtre d'Anna Politkovskaïa, parallèle d'autant plus évident que Natalia Estemirova avait servi d'interprète à la journaliste lors de certains de ses déplacements dans le Caucase, avait reçu le prix Anna Politkovskaïa en 2007 et avait été nommée pour le prix Sakharov en 2004.
Le président russe Dmitri Medvedev s'est dit "indigné", le président tchétchène Ramzan Kadyrov a qualifié le meurtre d'"inhumain", promis de superviser personnellement l'enquête et précisé qu'il y aurait une enquête officielle mais aussi non officielle. Selon un article de France 3, il l'avait personnellement démise de ses fonctions de présidente du Conseil civique de Grozny, un organe consultatif, parce qu'elle avait critiqué son ordre de porter le foulard islamique. Oleg Orlov, représentant du Conseil du Centre Mémorial met directement en cause Ramzan Kadyrov dans cet assassinat : "Je sais, je suis sûr de savoir qui est coupable du meurtre de Natacha Estemirova. Nous connaissons tous cette personne. Elle s'appelle Ramzan Kadyrov, c'est le président de la République de Tchétchénie. Ramzan avait déjà menacé Natalia, injurié, considéré comme son ennemi personnel. Nous ne savons pas s'il a donné lui-même l'ordre ou si c'est un de ses proches collaborateurs qui l'a fait pour plaire à son chef." Toujours selon France 3, ses derniers jours, elle avait révélé des informations qui pouvaient être gênantes : "Lundi encore, elle dénonçait la mort dans des circonstances troubles d'une jeune femme de 20 ans, Madina Iounoussova, soupçonnée d'être l'épouse d'un rebelle et dont le corps avait été remis à des proches début juillet avec l'ordre de l'inhumer "sans faire d'histoires". Le 9 juillet, elle rendit publique une autre affaire qui fit grand bruit sur les sites internet et auprès des ONG spécialistes du Caucase russe : l'exécution sommaire d'un homme, devant les jeunes de son village, accusé d'être un rebelle."
Il semble que tous les moyens vont maintenant être mis en œuvre pour retrouver le(s) assassin(s) de Natacha Estemirova. Les auteurs sont-ils des proches de Kadyrov, comme l'avance l'association Mémorial, ou bien pourquoi pas, des personnes voulant montrer que la Tchétchénie n'est pas encore pacifiée, contrairement à ce que prétend le pouvoir russe ? Dans notre monde actuel tout n'est-il pas possible...
En complément : à lire le rapport d'enquête de RSF sur le Caucase russe "Le Rideau de fer médiatique"
Source photo : index.org.ru via Lenta.ru
LES COMMENTAIRES (1)
posté le 18 novembre à 16:34
Des ONG et des défenseurs des droits de l'homme en Russie avaient appelé auparavant l'Union européenne à faire pression sur Moscou, à l'occasion du sommet UE-Russie de Stockholm, notamment concernant le Caucase, où les assassinats de militants se sont multipliés cette année.