Pourquoi analyser les résultats des élections européennes ?
Alors que les élections européennes ont connu une abstention très élevée (près de 60%) et qu’elles devaient concerner des enjeux dépassant le simple cadre régional, il pourrait sembler imprudent de conduire une analyse poussée des résultats de ce scrutin en vue des élections régionales de 2010. Pour autant, les européennes, en raison de leur place dans la séquence électorale, offrent un intérêt unique. En effet, les élections législatives sont, depuis l’instauration du quinquennat, directement liées aux scrutins présidentiels les précédant et ne permettent plus une analyse poussée de la situation politique des territoires. Et les élections cantonales et municipales, avec leurs offres électorales trop variées, ne peuvent pas être ramenées au niveau régional pour être analysées. Enfin, en vue des régionales de 2010, les enseignements issus du scrutin présidentiel de 2010, éloignés dans le temps et marqués par un contexte particulier (participation de 80% de la population, émergence du vote Bayrou dont la stratégie politique a troublé les équilibres politiques), ne fournissent pas des éléments assez solides.
Les élections européennes offrent donc la grille de lecture la plus pertinente actuellement. Le niveau de l’abstention enregistré en 2009, certes élevé, ne rend pas pour autant caduques les enseignements tirés de ces élections, puisque la participation aux élections régionales n’a pas dépassé 60% en 2004 et en 1998. Par ailleurs, le score national très faible recueilli par la droite parlementaire lors des élections européennes (35%) étant l’un des plus faibles jamais enregistrés2, il peut être considéré comme l’hypothèse basse du score de la droite pour 2010. Enfin, le faible score du FN stigmatise une baisse globale de son poids dans l’électorat, et permet d’établir des scénarios au sein desquels il ne pourra se maintenir au second tour en 2010 dans de nombreuses régions où il avait pu le faire en 20043. La projection des résultats des élections européennes permet donc de clarifier l’évolution électorale de chaque région, alors que la quasi-totalité des scrutins ont été remportées par la gauche en 20044 . Bien entendu, ces projections ne constituent en aucun cas des éléments prédictifs des scores recueillis à l’occasion des élections régionales, mais sont une modélisation des rapports de force actuels dans les régions françaises. Ces indicateurs en tiennent par ailleurs aucun compte de la situation politique exacte de chaque région et des candidatures pressenties pour les élections de 2010.
Une seule région actuellement à droite, qui devrait le rester
L’Alsace, seule région métropolitaine remportée par la droite en 2004, devrait logiquement être conservée par la majorité actuelle. Les projections réalisées montrent que le FN, qui avait recueilli 15% des suffrages exprimés en 2004, pourrait ne pas être en mesure de se maintenir au second tour. Mais malgré l’absence du FN au second tour, la droite ne disposerait pas forcément d’une grande marge de manœuvre, la droite ayant recueilli 52,5% des suffrages exprimés le 7 juin, dans une région pourtant considérée comme très à droite.
Quatre régions qui pourraient basculer de gauche à droite
Comme indiqué plus haut, la baisse du poids électoral du Front National pourrait l’empêcher de se maintenir au second tour dans de nombreuses régions et ainsi faire évoluer l’équilibre gauche-droite de 2004. Trois régions sont directement concernées par ce scénario : Champagne-Ardenne, où l’absence du FN devrait offrir la victoire à une droite qui a recueilli 53,5% des voix exprimés à l’occasion des élections européennes, et, dans une moindre mesure, Basse-Normandie et Centre, où la gauche a eu le 7 juin une avance très mince par rapport à la droite (respectivement 50,5% et 50,9% des suffrages).
Une quatrième région, Pays-de-la-Loire, présente pour sa part une situation assez étonnante, puisque, alors que la droite parlementaire a recueilli un total de voix faible au niveau national, les listes de droite ont mieux réussi que les candidats de droite à l’élection présidentielle de 2007. La présence de François Fillon, personnalité politique locale et tête de liste UMP à l’élection régionale de 2004, à la tête du gouvernement, le positionnement politique de Christophe Béchu, tête de liste UMP à l’élection européenne en 2009, et la plus forte mobilisation des électeurs de droite dans un scrutin fortement abstentionniste, pourraient en partie expliquer l’inversion du rapport de force depuis 2004 : au second tour, la gauche, emmenée par Jacques Auxiette avait devancé la liste de François Fillon, de 4 points (52% contre 48%, le FN n’ayant pas obtenu un score assez élevé au premier tour pour se maintenir) alors qu’aux européennes, le total droite atteint 52% des voix, contre 48% à la gauche.
Cinq régions qui devraient plutôt rester à gauche mais pourraient basculer en cas de poussée forte de la droite
La droite ayant recueilli à cette occasion son score le plus faible depuis le début de la Vème République, les élections régionales de 2004 se sont déroulées dans un contexte très favorable à la gauche. La position des élections régionales dans le séquençage électoral et leur statut d’élections intermédiaires laissent penser que la droite ne pourra reprendre qu’un nombre limité de régions. Pour autant, en cas de poussée de la droite au niveau national, la gauche pourrait être menacée dans cinq régions supplémentaires.
Pour quatre de ces régions, la chute du FN est encore le principal élément d’évolution du rapport de force : la Bourgogne, la Franche-Comté, l’Ile-de-France et Poitou-Charentes. Mais là encore, les situations diffèrent d’une région à l’autre. Ainsi, parmi ces régions, Poitou-Charentes est la seule à avoir voté majoritairement à gauche en 2007, ce qui peut s’expliquer par la candidature de Ségolène Royal, actuelle présidente de la région. Cette région est également la seule à connaître le même rapport de force gauche-droite en 2007 et en 2009 (51%-49% en faveur de la gauche), pour les raisons exposées par Jérôme Fourquet dans son analyse géographique du score de l’UMP aux européennes.
La dernière région qui pourrait être menacée en cas de poussée électorale à droite est la région Provence Alpes Côte d’Azur. Cette région est une des dernières où le FN pourra se maintenir, si l’on reste dans les tendances observées le 7 juin (11%). Mais la gauche ne dispose malgré cela que d’une avance limitée sur la droite (46%-43%), et un effondrement plus sensible du FN pourrait offrir la région à la droite.
Onze régions que la gauche devrait conserver
Les autres régions semblent actuellement des bastions de la gauche, et les équilibres observés à l’élection présidentielle de 2007 et aux élections européennes de 2009 ne laissent presque aucun espoir à la droite pour en récupérer la tête. Ainsi, en Aquitaine (56%-44%), Auvergne (56%-44%), Bretagne (54%-46%), Haute-Normandie (54%-46%), Languedoc-Roussillon (55%-45%), Limousin (60%-40%), Lorraine (53%-47%), Midi-Pyrénées (58%-42%) et Rhône-Alpes (53%-47%), la configuration électorale actuelle semble annoncer un statuquo en 2010, la gauche ayant été largement majoritaire le 7 juin. En Nord-Pas-de-Calais, la présence ou non du FN au second tour ne devrait pas non plus changer la donne, la gauche ayant une avance assez large (53%-35%-12%). Enfin, en Picardie, le FN devrait logiquement se qualifier pour le second tour (14%) et briser les espoirs de conquête de la droite, qui a recueilli 40% des voix le 7 juin.
Avec le faible score de la droite aux élections européennes de 2009, il est déjà possible d’avoir un aperçu de la France des régions telle qu’elle sortira des scrutins régionaux de 2010. Mais soyons prudent, car ces élections ne concernent pas les mêmes enjeux et des surprises sont toujours possibles. Rien n’est donc joué d’avance.