Pourquoi j'ai mangé mon père
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Le titre original est The Evolution Man, mais le roman a été publié pour la première fois en 1960 sous le titre What We Did to Father (Ce que nous avons fait à père).
Résumé
Ernest, un jeune homme préhistorique du Pléistocène moyen raconte les aventures de sa famille et en particulier de son père Édouard, féru de sciences et pétri d'idées généreuses. Pour échapper
aux prédateurs de l'Afrique orientale, Édouard invente successivement le feu, les pointes durcies à la flamme, l'exogamie et l'arc Seul l'« oncle Vania » (référence explicite à la
pièce de théâtre d'Anton Tchekhov voit cette débauche de progrès d'un mauvais œil et ne se prive pas de critiquer Édouard, en profitant toutefois de ses dernières trouvailles : si son cri
de ralliement est « Back to the trees! », il le pousse volontiers auprès d'un foyer rassurant.
Le reste de sa famille est également inventif : la mère découvrira la cuisson des aliments alors que Ernest et ses frères se distingueront chacun à leur manière, tel William, qui tentera de domestiquer un chien, Alexandre qui à l'aide de morceaux de charbon dessinera des images contre les rochers ou encore Oswald qui poussera, en bon chasseur, la famille à la vie nomade.
L'incendie accidentel de la savane, le don du feu à des tribus adversaires, puis la découverte de l'arc donnent lieu à de nombreuses controverses conduisant au dénouement tragique qui justifie le titre français.
Analyse
La plupart des inventions de nos lointains ancêtres sont mises en scène et ramenées à l'échelle d'une même génération. Au fil du roman sont distillées des informations reflétant assez justement l'état des connaissances scientifiques lors de sa première publication.
L'auteur réussit à éviter les lourdeurs fréquentes dans les romans consacrés à la préhistoire, tels qu'un langage approximatif ou une situation de faiblesse vis-à-vis des éléments naturels : ici, les hommes préhistoriques utilisent un langage châtié et livrent des réflexions très élaborées. Ils sont pleinement conscients de leur condition et de leur degré d'évolution physique et technique, et la plupart cherchent à évoluer. Cette omniscience des protagonistes est l'une des bases des situations humoristiques du roman, dans la tradition de l'humour anglais.
Certains ont vu dans Pourquoi j'ai mangé mon père une parabole de notre société et des risques liés au contrôle des technologies sensibles, voire de l'énergie nucléaire : l'invention du feu permet de se réchauffer, de cuire les aliments, d'éloigner les prédateurs mais l'incendie a aussi failli coûter la vie à toute la famille. Si cet ouvrage comporte plusieurs niveaux de lecture, il reste surtout très accessible et très drôle, puisqu'il nous offre un regard extérieur sur notre société à travers le miroir déformant de l'humour.
Beaucoup de notions scientifiques sont distillées tout au long du récit. La plus évidente est bien évidemment l'évolution de la technologie. Mais on retrouve également l'évolution de la structure familiale vers le clan puis la tribu. Chaque invention apportant de nouvelles ressources, elles libèrent du temps ou améliorent la sécurité et permettent une transformation de la structure sociale.
Le rapport des frères avec le père est inspiré de l'analyse que fait Freud dans Totem et Tabou. La frustration des frères poussés à l'exogamie par le père,
apporte à la fois une grande difficulté dans la relation au père mais est, une fois résolue, une formidable source d'enrichissement psychique (la frustration fait naître le sentiment d'amour).
Ernest, le narrateur, évoque tout au long du récit le lien entre le monde réel, le monde des rêves et la vie après la mort et « invente » l'animisme à travers le meurtre du Père. Il
finit par tuer « accidentellement » ce père, génial inventeur, et prend sa place de chef, hanté par le regret de son geste jusque dans ses rêves et finira par n'en garder qu'un
souvenir idéalisé. A la fin du livre, il pose une dernière question sur l'origine du monde, montrant le lien évolutif que Freud faisait entre l'animisme, la religion et la science.
Le texte a été traduit en français par Vercors et son épouse Rita Barisse.