La configuration de la parole
Une vision,
un rythme, une pulsation, un magma imaginaire dans un plasma verbal. Protoimage
et verbe protéiforme. Une pullulation fantasmagorique intimement amalgamée à
des pulsions de mots. Poème : accouplement de l’image virtuelle et du mot
potentiel.
Le mot est un noyau d’énergie
qui aspire/impulse, un pôle d’aimantation qui irradie et attire ses homologues
et homophones. Catalyseur, mutant métamorphique, il recherche ses connexes, il
pousse pour entrer dans des conditions et des constellations. Mot virage :
principe des circulations multivoques du sens.
Un courant d’expansion
entraîne vers le tissu des phrases, vers la texture, à la multiplicité des
séquences, à discourir, vers le discursif. Le mot s’associe à ses congénères,
engendre son propre organisme. Ou bien se concentre, se replie et se resserre
pour accumuler sa charge intrinsèque. Loquace ou concis, fureur ou ossuaire,
cristal ou tégument, il recouvre ou découvre l’espace, noircit ou blanchit la
page. Dépouillement de tout l’accessoire : mots gemmes, modules
irradiants, centre d’échange au sein d’une atmosphère sémantique. Ou bien la
pléthore proliférante, la trame de frondaison, la selva selvaggia, la ramification veineuse des signes/icônes, des
conducteurs imaginatifs et symboliques, les flux/influx/reflux de figures, la
transfiguration.
Écrire : émettre,
marquer, désigner, inscrire, signaler, figurer, paroler : poétiser :
théâtre de la langue, retable du monde : simulacre.
[...]
Saul Yurkievitch, "La configuration de la parole", traduit de
l’espagnol par Michèle Gendreau-Massaloux, dans Change n° 29, "Le sentiment de la langue, Le silence",
décembre 1976, p. 126.
Contribution de Tristan Hordé