La semaine dernière, Barack Obama a quitté l'Italie, où s'est déroulé un G8 sans fard, pour une visite de deux jours en Afrique. Au Ghana, il a livré un discours que d'aucuns n'ont pas manqué de comparer à celui de Nicolas Sarkozy à Dakar en juillet 2007. La comparaison est terrible.
Le discours de Dakar, un discours raciste ?
Quand Nicolas Sarkozy s'est exprimé à Dakar en juillet 2007, son texte avait choqué. Sarkozy a gaffé, inspiré par son conseiller spécial Henri Guaino. Il voulait parler "responsabilité", il s'est empêtré dans une curieuse explication des difficultés de l'Afrique : l'homme Africain serait par essence paresseux; l'Afrique ne se serait pas suffisamment ouverte au monde. Sarkozy ne pouvait pas, ne voulait pas parler de corruption, tout soucieux qu'il était de ne pas rompre avec les pratiques de Françafrique. Son nouveau ministre des Affaires Etrangères venait de terminer, avant de prendre ses fonctions, une mission pour quelques dirigeants locaux corrompus. En juillet 2007, Sarkozy a livré un discours raté.
"Je ne suis pas venu te faire la morale.Obama et la responsabilité
Mais je suis venu te dire que la part d'Europe qui est en toi est le fruit d'un grand péché d'orgueil de l'Occident mais qu'elle n'est pas indigne. Car elle est l'appel de la liberté, de l'émancipation et de la justice. Car elle est l'appel à la raison et à la conscience universelles.
Le drame de l'Afrique, c'est que l'homme africain n'est pas assez entré dans l'histoire. Le paysan africain, qui depuis des millénaires, vit avec les saisons, dont l'idéal de vie est d'être en harmonie avec la nature, ne connaît que l'éternel recommencement du temps rythmé par la répétition sans fin des mêmes gestes et des mêmes paroles.
Dans cet imaginaire où tout recommence toujours, il n'y a de place ni pour l'aventure humaine, ni pour l'idée de progrès. Dans cet univers où la nature commande tout, l'homme échappe à l'angoisse de l'histoire qui tenaille l'homme moderne mais il reste immobile au milieu d'un ordre immuable ou tout est écrit d'avance. Jamais il ne s'élance vers l'avenir. Jamais il ne lui vient à l'idée de sortir de la répétition pour s'inventer un destin. Le problème de l'Afrique est là. Le défi de l'Afrique, c'est d'entrer davantage dans l'histoire. C'est de puiser en elle l'énergie, la force, l'envie, la volonté d'écouter sa propre histoire.
Le problème de l'Afrique, c'est de cesser de toujours répéter, de toujours ressasser, de se libérer du mythe de l'éternel retour, c'est de prendre conscience que l'âge d'or qu'elle ne cesse de regretter, ne reviendra pas parce qu'il n'a jamais existé. Le problème de l'Afrique, c'est qu'elle vit trop le présent dans la nostalgie du paradis perdu de l'enfance. Le problème de l'Afrique, c'est que trop souvent elle juge le présent par rapport à une pureté des origines totalement imaginaire et que personne ne peut espérer ressusciter. Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de s'inventer un passé plus ou moins mythique pour s'aider à supporter le présent mais de s'inventer un avenir avec des moyens qui lui soient propres. Le problème de l'Afrique, ce n'est pas de se préparer au retour du malheur, comme si celui-ci devait indéfiniment se répéter, mais de vouloir se donner les moyens de le conjurer."
Vendredi 10 juillet, le président américain a tenu un autre propos, moins maladroit, plus direct: il n'a pas sombré dans des explications vaseuses et erronées de son homologue français. Il n'a pas tenté d'expliqué que les malheurs de l'Afrique provenait d'une soit-disante insuffisance de "l'homme africain". Pourtant, il a livré un discours de responsabilité, simple et lucide.
Dans un entretien diffusé par CNN lors de cette visite, Barack Obama réfute une vision simpliste de l'histoire africaine, et notamment de l'esclavage: "Je pense qu'il est important que la manière dont nous l'envisageons et celle dont il est enseigné ne présentent pas seulement une victime et un bourreau". "Je pense que la manière dont on doit l'envisager, la raison pour laquelle c'est pertinent, est que -que ce soit au Darfour ou au Congo, ou dans trop de pays dans le monde- la capacité de cruauté existe toujours".
Au Ghana, il s'est rendu au fort esclavagiste de Cape Coast. Devant les députés, son discours a été direct : "L'Occident n'est pas responsable de la destruction de l'économie zimbabwéenne au cours de la dernière décennie, ou encore des guerres où on enrôle les enfants dans les rangs des combattants". Obama a dénoncé la corruption, sans fard ni précaution oratoire.
" Vous avez le pouvoir de demander des comptes à vos dirigeants, de construire des institutions pour servir le peuple. Vous pouvez vaincre la maladie, mettre fin aux conflits, changer fondamentalement les choses. Vous pouvez faire ça. Oui, vous le pouvez" ("yes, you can)"Deux présidents, deux méthodes.
"Mais cela n'est possible que si, vous tous, vous assumez la responsabilité de votre avenir. Cela ne sera pas facile (...) Mais je peux vous promettre ceci: l'Amérique sera à vos côtés, à chaque étape, en tant que partenaire, en tant qu'amie (...).
Le développement dépend de la bonne gouvernance. C'est un ingrédient qui a fait défaut pendant beaucoup trop longtemps, dans beaucoup trop d'endroits"
(crédit photo: White House)&alt;=rss