"Oh, t'as vu la belphégor!", me demande la collègue alors que le train entre à quai. "Non, je n'ai pas fait attention". La première fois que j'en vis une en France, c'était sur la ligne 2. Elle se tenait droite comme un i et était accompagnée d'un homme sec à l'air très sérieux. Je m'étais dit mince, comment peut-on envisager ne serait-ce qu'une seconde d'accepter de recouvrir radicalement le corps de sa compagne. M'étaient venues à l'esprit ces femmes entièrement voilées en Afghanistan, une fine grille de tissu ouvragé à hauteur du visage telle ces fenêtres de harem d'où la femme pouvait voir sans être vue. Je me suis aussi dit que ce genre de femme n'avait pas que son voile pour prison mais le monde entier. Que la prison soit choisie ou imposée.
Par contre, je suis restée scotchée par ce couple de jeunes gens en plein métro, décontractés, apparemment très amoureux et de l'un et de l'autre et de la vie en général. Ils s'éloignaient, côte-à-côte, vers les accès ; à son poignet un bracelet prolongé d'une chaîne à gros maillons qui disparaissait sous la veste de son compagnon.