La proposition de loi en cours en discussion au Parlement est intitulée ainsi :
« PROPOSITION DE LOI réaffirmant le principe du repos dominical et visant à adapter les dérogations à ce principe dans les communes et zones touristiques et thermales ainsi que dans certaines grandes agglomérations pour les salariés volontaires »,
ou la tartufferie portée à son comble.
En effet, comment peut-on, dans une même phrase, prétendre réaffirmer un principe et aussitôt le saper avec une proposition alambiquée et totalement floue. Il s’agit d’adapter les dérogations. Même si, par un glissement de sens fâcheux, on persiste à dire que les exceptions confirment la règle, alors qu’en réalité, elles ne font que l’infirmer, le propre d’un principe n’est pas qu’on y déroge mais plutôt qu’on le respecte.
La loi actuelle autorise le maintien le dimanche de certaines activités dans des conditions très précisément définies. La nouvelle proposition de loi, elle, est destinée à permettre à des exécutifs locaux, communaux ou départementaux, de décréter plus largement le viol du principe que l’on prétend réaffirmer, sans que des possibilités de recours contre de telles décisions soient clairement indiquées. Et le terme adaptation, qui pourrait signifier limitation ou restriction, n’est là que pour masquer le fait qu’il s’agit d’une extension, voire d’une généralisation. Le plus piquant dans l’affaire est que la petite centaine de signataires de cette proposition n’est assurément guère familière du travail dominical, sans même parler de l’assistance aux séances de l’Assemblée nationale du lundi au jeudi.
Un autre point cocasse est que l’on trouve, parmi les points avancés pour défendre ce texte, l’argument suivant : « Il y a urgence car personne ne souhaite, dans la conjoncture actuelle, un été ponctué de fermetures de commerces et de licenciements portant sur plusieurs milliers d’emplois. Tout doit être fait en cette période de crise pour sauvegarder l’emploi ». Chacun sait que les lois ne sont pas éternelles mais de là à légiférer en vue d’un été ! A quand des lois pour le mois, voire à la semaine, qui serait immanquablement petite ? Si tout doit être fait pour éviter les dépôts de bilan, pourquoi ne pas contraindre l’Etat à régler ses fournisseurs dans des délais normaux ?
Absurdité encore plus fragrante, cette notion de volontariat des salariés, que j’ai déjà plusieurs fois contestée. Supposons que je sois propriétaire d’un commerce et que j’aie besoin de cinq salariés pour le tenir le dimanche. Seuls trois d’entre eux sont volontaires. Que puis-je faire ? Fermer ? Certes non, je ne vais pas renoncer à ce chiffre d’affaires supplémentaire dont je me passais jusqu’ici. Je vais donc me débrouiller avec ces trois-là et saisir la première occasion pour licencier pour faute les deux autres infortunés qui n’auront pas saisi où se trouvait réellement leur intérêt. J’en engagerai deux nouveaux, après m’être assuré qu’ils sont bien disposés à travailler le dimanche. Bien entendu, je ne refuserai pas de candidats au prétexte qu’ils ne seraient pas séduits par ma conception du repos dominical. Je leur indiquerai simplement qu’ils me semblent trop qualifiés pour les postes que je leur propose, leur signifiant ma conviction dans leurs possibilités de trouver ailleurs des postes correspondant mieux à leurs compétences. Je contribuerai ainsi largement au développement du travail dominical, support inaltérable de l’épanouissement des salariés.