Partie de tennis et revolver oublié à Galleria Continua

Publié le 14 juillet 2009 par Marc Lenot

Les collèges américains ont souvent des joutes oratoires où deux protagonistes échangent sans fin des arguments pour ou contre une quelconque idée et l’assistance apprécie la beauté d’un coup ou le succès d’un match. C’est tout à fait ce qu’accomplissent Ilya Kabakov (sans Emilia, cette fois) et le critique Boris Groys sur le court central de Galleria Continua : autour du court, 14 tableaux noirs attestent de l’agilité mentale des protagonistes de cette joute verbale, cependant que des écrans de télévision démontrent aussi leur souplesse physique, avec une vraie balle et de vraies raquettes. Non que le sujet, sinueux et digressif, soit passionnant, frôlant parfois le café du commerce : “La TV n’est pas effrayante. Les enfants ne s’affolent que si la TV tombe en panne”. Mais c’est le dispositif qui retient l’attention : textes sur les tableaux d’ardoise agrémentés de petits dessins, bancs de touches, errance légère ou méthodique des spectateurs, théâtralité maîtrisée. Mais pourquoi Groys n’est-il pas crédité comme auteur de The Tennis Game, alors qu’Emilia l’est ?

Outre des pièces de fond de la collection de la galerie, déjà montrées ou nouvelles (ainsi les Cercles de Pascale Marthine Tayou : paix blanche, vie rouge, guerre noire, havres de soie dans lesquels on peut pénétrer et se cacher des regards du monde), trois autres artistes sont présentés dans cette exposition (jusqu’au 4 octobre). Les peintures ‘vides’ de Manuela Sedmach m’ont laissé froid et les vidéos et photos de Kimsooja sur Mumbai ne sont, en l’absence de l’artiste en Needle Woman, qu’un documentaire bien fait sans plus : c’était sa posture face au monde, résistante, détachée, contraire, qui faisait l’intérêt de son travail.

Par contre, les pièces de l’Argentin Jorge Macchi méritent largement le déplacement champêtre. The Singer’s Room est une salle sombre avec des écrans transparents où le texte ‘You are erased’ s’efface progressivement, lettre à lettre, puis se recompose; chaque apparition ou disparition est ponctué d’un son strident qui occupe tout l’espace. La lecture du cartel de El Fantasma vous fait tourner la tête en tous sens, cherchant cette oeuvre faite de trous et de poussière, qu’on découvre enfin, petit bonhomme sans prétention, familier et humoristique. A côté, une carte murale de territoires émergés, ilots bâtis au milieu d’une mer de blancheur (Automne à Paris) : ce ne sont là que les cimetières parisiens, il ne reste que les lieux de mort, le reste du monde a été englouti, seul subsiste un monde souterrain, parallèle. Un beau travail mélancolique.

Je n’ai pu voir l’exposition, sous l’égide de Galleria Continua, mais au château voisin de Blandy, sur Carlos Garaicoa, dont on m’a dit le plus grand bien. Belle destination pour un week-end d’été.

Dans une des salles désaffectées du Moulin, sur une table, un revolver traîne négligemment : une histoire à raconter ? Il y a toujours une surprise finale à Gallerai Continua.

Photos de l’auteur, excepté Autumn in Paris, courtoisie de Galleria Continua. Les époux Kabakov étant représentés par l’ADAGP, les photos de leur installation seront ôtées du blog à la fin de l’exposition.