Tout cru …
Saluons
la belle initiative des éditions Actmem qui inaugurent avec Guglielmi une
« anthologie » des poètes de notre modernité.
Choix de poèmes par l’auteur, publications de manuscrits, « quelques
lectures » de l’œuvre par des amis aussi variés qu’Edmond Jabès,
Jean-Marie Gleize ou Henri Deluy, fotos (sic…) Work in progress en somme
qui témoigne certes de toute une vie en poésie mais sans refermer le parcours.
Guglielmi, Jo Guglielmi, Joseph Julien Guglielmi, le même avec ses noms qui se déclinent,
le trouble de l’identité, ses mille visages aussi (cf. toutes les fotos prises
et surprises au jour le jour) qui disent toutes ses réalités composites :
poète et essayiste, poète et instituteur, poète et traducteur, poète et
créateur de revues, poète et … rien que poète, immensément, intensément. On
vérifie alors ce sentiment qu’on a depuis longtemps : la poésie lui colle
à la peau.
On le sait, l’œuvre est abondante, généreuse, foisonnante, possible et
improbable, réelle et impossible. Comme l’homme… Avec cette idée
fixe : vivre sa vie à fond et reconstruire le monde, pour déconstruire et
rebâtir son monde. C’est bien cette « expérience de l’âme »
dont parle avec une justesse affectueuse la remarquable préface d’Elisabeth
Roudinesco.
De ses 55 livres, le volume retient la belle diversité et l’unité toute
dispersive. On retrouvera d’un livre à l’autre cette façon unique qu’à J.G. de
s’immerger dans le réel avec audace, d’inclure dans le poème toute une matière
première faite de ses vies multiples et de scories et autres humeurs
poétiquement tout à fait incorrectes. Sa signature ? faire langue avec le
corps et corps avec la langue.
Alors, bien entendu J.G. parle cru, parle nu jusqu’à (se) rompre les lèvres.
«The/tongue/has found the/tongue /suivant /trois /orifices /nommés /bouche
/anus /vulve /qu’ils pénètrent(….) je ne
suis/pas/votre/double. » Dont acte …et mise en garde! Guglielmi
assume son franc-parler quand il mélange les langues (langue maternelle d’abord
dont il paraît revendiquer une sorte de … paternité) pour les mettre en poème.
Belle nourriture terrestre… Et belle leçon d’amour, en vérité, qu’il ose avec
une vraie pudeur, comme un partage du souffle qui amplifie le sens et qui
renseigne les coeurs. « Ce langage serait/la vie/les lèvres/…/Ici/ne
mange/que l’oubli. »
Contribution de Didier Cahen
Joseph
Julien Guglielmi
Au jour le jour − Selected poems
éd. L’Act Mem, coll. Faut suivre
25€ − site de l’éditeur
extrait de ce recueil dans l’anthologie permanente de Poezibao