” La pensée créative est de plus en plus importante pour les entreprises, mais aussi pour la société de manière générale”.
Samuel Hoi est directeur du Otis College of Art & Design, de Los Angeles. Fondé en 1918, l’institution accueille 1200 étudiants venus des quatre coins du monde. Elle est l’une des écoles d’art les plus réputés du sud de la Californie. L’institution couvre la palette des métiers créatifs pris au sens large: architecture, design, animation, création digitale, etc.
Le Otis College of Art & Design de Los Angeles incarne cette nouvelle catégorie d’acteurs éducatifs ancrés dans leur temps. L’école ne se voit ainsi plus comme une simple usine à fabriquer des artistes, enfermés dans une discipline, déconnectés des problématiques sociales ou, surtout, économiques.
Au contraire, dans un environnement de plus en plus concurrentiel, Samuel Hoi fait le pari que seule une approche basée davantage sur l’intuition et la créativité (familière aux artistes) permettra aux entreprises de relever les défis posés par les profonds changements en cours dans la vie économique et sociale. Le directeur du Otis College s’inscrit ainsi en ligne avec l’analyse de quelques auteurs récents, tels que Daniel H. Pink, et sa théorie du monde piloté par les cerveaux droits.
Les managers ont des choses à apprendre des artistes, estime-t-on au Otis College.
” Les designers, par exemple, tendent à démarrer leur travail en partant d’un problème de société à résoudre. Les dirigeants d’entreprises gagneraient à aborder de temps en temps les choses de cette façon, plutôt que de partir de l’existant de leur entreprise. Ils seraient plus inventifs”
Et les artistes sont prêts à relever le gant et insuffler un peu de leur regard dans les affaires économiques. “Naguère, les artistes et designers avaient tendance à penser de manière étroite. Ils ne pensait qu’à leur oeuvre. Ils ne sortaient pas de leur champ de compétence immédiat, observe Samuel Hoi. Aujourd’hui, les artistes et les designers ont davantage l’envie de participer à la recherche de solutions pour des problématiques environnementales, sociales ou économiques”.
Les activités créatives sont un moteur de croissance économique dans un environnement changeant
Pour le Otis College, pas question de former des futurs artistes chômeurs. Il n’y a pas de raison qu’ils se retrouvent sans emploi : les emplois créatifs produisent aujourd’hui davantage de valeur ajoutée pour l’économie que la moyenne des métiers. Ils sont donc demandés.
Une étude commanditée par l’école sur l’impact des secteurs créatifs (design, galeries d’art, divertissement, création de meubles, etc.) dans la région de Los Angeles le confirme, d’ailleur : les emplois créatifs enregistrent une croissance de 16 %, c’est à dire supérieure au reste de l’économie. Chaque emploi créatif génère 1,6 emploi indirect. Le design constitue l’une de ces disciplines à forte valeur ajoutée, aujourd’hui. “Le design, par exemple, apporte une part de plus en plus grande dans la valeur des produits, à mesure que le coût de production s’aplatit et se standardise, constate Samuel Hoi. Les exemples foisonnent, aujourd’hui. Que ce soit le baladeur iPod, d’Apple, dont le design est une composante importante du succès. Ou la Volkswagen Beetle, voici quelques années”.
Former des gens à se réinventer sans cesse, en attendant des métiers qui n’existent pas encore
Le College californien a repensé son approche pédagogique pour tenir compte de la plus grande versatilité de l’économie moderne: “Il y a 20 ans, un diplômé d’université avait entre 2 et 3 jobs différents dans sa vie. Les diplômés d’aujourd’hui travailleront dans 7 à 10 ans dans des jobs qui n’existent pas encore aujourd’hui. Notre but est de préparer cette nouvelle génération de façon à ce qu’elle soit capable de se remettre perpétuellement en question”
Vivre dans un bouillonnement créatif comme Los Angeles est est avantage, bien sûr, pour tout “cerveau droit” (créatif, entreprenant) qui se repecte. Le Otis College of Art & Design ne s’en cache pas. Samuel Hoi rejoint à ce égard, le constat d’une autre théoricien célèbre de la créativité, Richard Florida, dont le dernier livre met en avant le concept de “Spiky Cities“.
Si l’on regarde la production économique mondiale en comparant les villes et non les pays, celles qui tiennent le haut du classement ce sont celle qui arrive à être les plus innovantes. Ces villes sont celles qui ont réussi à créer un écosystème favorable en ayant une forte concentration de gens créatifs et en favorisant les interactions des gens entre eux. Samuel Hoi d’ajouter: “Nous avons besoin de plus en de personnes avec une pensée créative à l’heure des grands changements de paradigmes que nous vivons.”
Photo Flickr Otis Admissions