Il est arrivé un soir dans la maison de Castries à Sainte-Lucie ; effrayé, il se demandait ce que cette étrange famille composée de nombreux petits d’hommes attendait de lui ; jusqu’à présent il assurait la garde de la maison de la British ; on lui amenait parfois des congénères de sexe féminin sur un plateau parce qu’on le trouvait joli garçon ; même s’il était souvent attaché à une corde la vie était plutôt douce ; rien à voir avec l’époque ou il était obligé de trainer près du port pour se nourrir ; il lui était même arrivé de partir vers le Nord, vers l’anse la Raye pour pouvoir se baigner et ainsi se nettoyer et bien évidemment pêcher ; une époque sympa malgré tout ; ce sentiment de liberté ne lui faisait pas peur à cette époque…
et puis, en vieillissant il avait eut le tort de s’attacher aux hommes ; pas facile les hommes, on leur donne tout et plus encore et puis, paf, ils en ont marre et nous expédie au diable vauvert…
mais qu’est-ce que je fais là ? tout près de la maison, une bananeraie… pas cool, ça ; il va y avoir des rats en quantité…les bananiers contiennent un truc particulier qui joue un rôle anti-hémorragique…et si on essaye de les empoisonner, ils vont tous débarquer à côté de cette petite maison en bois…voyons, la cuisine a l’air bien organisée ; tiens ils m’ont même préparé de l’eau ; on dirait bien qu’ils m’attendaient…bizarre, les 2 petits d’homme… ils courent partout et en plus ils grimpent sur le toit…zont l’air attachants ; la toute petite blonde m’emmène avec elle dans le chemin ; elle s’assied par terre et me demande d’écouter ce quelle dit ; ça doit être un signe distinctif chez les humains ; ça ressemble un peu à notre glapissement de joie ; elle me fait un autre truc aussi, et ça je ne sais pas trop quoi en penser… elle me met des fleurs autour du collier… bizarre ;
lorsque celui qui semble être le chef de la tribu s’en va, ils me demandent de dormir avec eux dans leur case…je ne sais pas si je m’y habituerai un jour…ils me touchent tout le temps et le jeune, qui semble aussi fou que le chiot de la voisine, essaye de grimper sur mon dos ; je veux bien, mais il remue tout le temps…va se faire mal cet enfant ! et puis, la troisième molécule, vous pouvez pas vous imaginer…elle m’embrasse, me touche, me colle, me dit des trucs bizarres dans les oreilles… que même ma mère ne m’a jamais dit ; c’est une jolie musique ;
j’avoue qu’ils me font tous assez bonne impression, mais j’ai décidé de rester sur mon “quant à soi” ; alors, je reste muet… on verra bien ce qu’ils feront ; je les teste moi aussi ; pas de raison ! on dit bien “chat échaudé craint l’eau froide” ! tiens, en parlant de chat, ils en ont un aussi, Grillette qu’ils l’appellent ; en général, j’aime pas trop ces bestioles, mais elle a compris qu’en me parlant doucement et calmement, je serais moins jaloux ; que je serais toujours là pour elle, puisqu’elle était toujours là pour moi ; mais pas simplement pour la cuisine… elle avait deviné que le poisson était mon pêché mignon…elle avait aussi appris à ses molécules à me donner des trucs sympa à grignoter, un peu de soyo kikommann pour donner du goût, de la graisse d’oie pour faire passer les croquettes pas top…puis, je me suis carrément senti bien avec eux ; alors, je suis devenu plus vigilant ; pas question que quelqu’un que je ne connaissais pas entre dans notre maison ; j’étais payé pour ça, non ?
le seul truc sur lequel je n’ai pas craqué, c’est lorsqu’elles se sont mis en tête de m’appeler Robert avec l’accent british ; tout ça parce qu’elles disaient qu’elles me trouvaient aussi beau que Robert Mitchum… il y a quand même des limites au ridicule ! par contre qu’ils m’appellent Groschien me plaisait bien ; j’étais svelte, élancé avec un long nez ; pas mal dans mon genre ;
oui, je vous parlais d’elle ; j’aurais pu la suivre au bout du monde… et elle ne s’est pas privé pour m’y emmener ! elle m’aura tout fait… une cage, un coucou de 18 places, un hangar en plein soleil ou les gardiens étaient partis en weekend ; heureusement que le chef de la tribu s’est mis en colère… je vous promets que lorsqu’il s’énerve tout le monde file doux !! ensuite un vrai avion et pour finir ils ont collé ma cage dans une remorque ; ça m’a un peu remis le cœur à l’endroit mais le vent dans les oreilles… je vous raconte pas !!! et heureusement qu’elle me donnait des médicaments d’humains, un petit quart de son truc et pof je me sentais bien mieux ;
j’ai fait quelques bêtises aussi… ma placidité a des limites ; j’ai un peu bousculé Léon, le cochon d’inde et puis quelques écureuils… mais boffff !
pour me montrer qu’elle m’en voulait elle ne me parlait plus, ne me caressait plus ; c’est ça que je trouvais le pire ; heureusement que les petits d’hommes étaient là…je crois que c’est çà qui m’a fait me sentir à l’aise chez eux et avec eux ; je recevais tellement de caresses…et puis, je me suis rendu compte qu’elle aimait bien que je prenne soin de ses petits ; du coup, personne n’avait le droit de les approcher même pour jouer ! seulement elle quand ils allaient trop loin et qu’elle était obligée de “leur remettre les oreilles dans le sens de la marche” ; et puis le chef de la tribu m’agaçait parfois quand il venait trop près d’elle….
j’ai eu une belle vie ; vraiment ; et puis est arrivé un jour ou je ne pouvais plus la suivre dans son bureau à l’étage ; je n’y voyais plus grand chose et je m’ennuyais un peu en bas ; mais tout le monde se retrouvait pour le déjeuner ; c’était un moment agréable ; mais j’avais 19 ans et il paraît que c’est très vieux pour un chien comme moi ; je pense que le chef de la tribu va s’occuper de moi et me renvoyer vers mes ancêtres ; c’est son métier, non ? il va le faire doucement et calmement ; je le sais et j’ai confiance en lui ; et puis, j’aimerai bien qu’ils trouvent un autre compagnon ; elle sera seule souvent dans sa maison dans les vignes ; il faudra bien quelqu’un pour veiller sur elle…et puis, celui là elle pourra toujours essayer de l’appeler Robert….