Ce billet ne va pas parler de graves problèmes d'ascenseur dans certains immeubles pourris, tels qu'ils pourraient être rapportés par un groupe de rap'n'beat au nom qui sent bon la hargne d'un coup de massue sur un tube en zinc, NKM. Non. Il va parler des dernières saillies de la sémillante Secrétaire d'Etat à la Prospective concernant le ... déclassement.
Invitée d'Europe1, elle aura donc discuté Ascenceur Social.
C'est amusant, ne trouvez-vous pas, qu'en l'espace de quelques lignes, on doive déjà faire dans le décryptage ? Ainsi, Secrétaire d'Etat à la Prospective, ça en jette, ce petit parfum de Haut Commissaire au Gosplan, mais qu'est-ce que diable que ça veut-il dire donc ? Ce blog ne recule devant rien et mène l'enquête avant de poursuivre. Je clique donc, fébrile, sur Shadocks.Fr pour découvrir que le titre complet est Secrétaire d'Etat chargée de la Prospective et du Développement de l'économie numérique, auprès du Premier ministre.
Déjà, ça laisse moins de trente caractères pour en faire un twitt, mes enfants, on n'est pas gâté.
Ensuite, on n'est toujours pas plus avancé sur la fonction réelle associée à ces 116 caractères ronflants. Car enfin, il n'y a jamais eu besoin d'un secrétariat ou d'un ministre ou d'une commission, haute autorité ou chambre d'enregistrement pour faire fonctionner Internet, non ? On sent le gros ballon d'air chaud gonflé de l'importance de sa mission qui consiste à faire que tout aille aussi bien que lorsqu'il n'existait pas. Impressionnant.
Je parlais de décryptage, plus haut. On sait à ce point que le Secrétariat ressemble à la mouche du coche. Attardons-nous maintenant à cette notion de "déclassement" qui, si elle n'est peut-être pas totalement nouvelle, semble ici sortir de sa confidentialité pour entrer dans le monde médiatique de la novlangue officielle.
Il s'agirait en fait des gens qui ont l'incapacité de maintenir la position sociale de leurs parents, et aussi ceux dont le travail ne correspond pas aux études suivies. Enfin, c'est la définition de NKM dans une interview qui plonge tout lecteur sensé dans un abîme de perplexité. On comprend que le but de l'étude, disponible sans le filtre déformant des médias ici, est d'évaluer objectivement si les générations récentes s'en sortent mieux que les générations passées ou pas.
Arrivé à ce point là, une question me taraude.
A quoi sert une telle étude ? Quel est l'intérêt pour NKM d'en parler ? Pourquoi les journaux se relaient pour nous relayer fiévreusement le fait que "La fille a plus de risque de se retrouver dans une situation sociale inférieure à ses parents que son frère" ?
Une piste - amusante - est dans la petite différence entre le titre de cet article du Monde (Une étude décrypte le "déclassement social" en France) et son URL (une-etude-nuance-le-declassement-social-en-france). Notez qu'on est passé de "nuance" à "décrypte". Le changement URL/titre est révélateur : nuancer un truc négatif comme le déclassement, c'est peu vendeur. Et d'ailleurs, NKM insiste sur le problème des filles à obtenir une situation sociale supérieure ou égale à celle de leur frère.
En fait, l'étude montre que finalement, l'ascenseur n'est pas vraiment en panne et que, majoritairement, c'est surtout l'impression de déclassement qui prédomine. Selon NKM, Les Français ont tendance à cultiver un pessimisme collectif qui s'étend à la sphère individuelle. Etonnant comportement, non ?
En réalité, c'est parfaitement logique. Ce que l'étude montre, c'est précisément ce pessimisme ; et il repose sur le fait que chacun sait intuitivement que la génération courante et à venir va devoir faire beaucoup plus d'efforts que la génération passée. Et quand on voit les dépenses somptuaires lancées par le gouvernement actuellement (plans de dépense relance), flibusterie emprunt national, on se doute bien qu'un jour, il va falloir payer tout ça. Air Farce One, les réceptions élyséennes, les 35 ministres et secrétaires d'états pour le gouvernement "resserré" de Sarko, ça a un coût.
Or, ce constat, on ne le lit pas dans le rapport. On ne l'entend pas dans la bouche de NKM. On prospecte sur les évidences : les Français sont pessimistes (et ronchons, aussi, un peu). Et le temps change, parfois il pleut et parfois il fait beau. Question Prospective, c'est un peu court.
On n'entend pas non plus parler d'une autre évidence.
Selon l'étude, les bacheliers sont les plus touchés par le "déclassement". Bah oui : leur diplôme n'est plus pertinent pour accéder à des emplois de cadres, ni mêmes de professions intermédiaires. Le fait que le nombre de bacheliers a constamment augmenté en 30 ans pour concerner 80% d'une classe d'âge actuellement, ne semble pas mettre la puce à l'orteil de nos élites dirigeantes qui préfèrent sans doute le mettre (l'orteil) dans le sable chaud d'une plage ensoleillée.
Bref. Cette étude, c'est, encore une fois, un vague prétexte pour continuer à fournir de l'air chaud à certains secrétariats qui s'en emparent pour gonfler leur montgolfière, amusant aérostats qui dérivent lentement au gré des vents porteurs. Le Secrétariat de la Prospective Machin Economie Numérique Bidule est parfaitement dans la norme. Et lorsque les petits prouts propulseurs basés sur le "déclassement" ne fonctionneront plus, on passera au "Droit à l'Oubli sur le Webternet" qui permettra à nos serial-bulleurs de continuer leurs bidouillages aériens. Parce que bon, le "droit à l'Oubli", c'est un peu comme le Droit de M'en Souvenir, le Droit Aux Tartes Aux Pommes Qui Sentent la Cannelle, et tout ce genre de choses abrutissantes de connerie bien-pensante : ça n'existe pas.
On sent déjà poindre d'homériques batailles avec musique de Wagner et déclarations enfiévrées sur ce sujet alors que, par exemple, le Droit de Se Faire Oublier de l'Administration Fiscale, lui, n'existe pas et ne sera jamais mis sur la table. Triste époque.
Mais au moins, dans ce fatras de bêtise, on distingue un semblant de stratégie : occuper le terrain. Au moyen de toutes ces personnalités aussi inutiles que chamarrées, on assure une occupation optimale du ciel en le remplissant de jolis ballons colorés qui vont et viennent au gré de l'actualité, sans but réel si ce n'est de faire beau.
A contrario, la stratégie de Ségolène Royal est, elle, parfaitement opaque. Illisible, même. Et à la limite, tant mieux. Il existe un chemin, probablement celui de moindre résistance, où la Dinde du Poitou s'auto-termine politiquement et laisse la vie politique française évoluer sans elle. Souhaitons qu'elle l'emprunte.
Entre NKM et Royal, finalement, la parité homme-femme en politique est maintenant atteinte.
Les femmes y sont officiellement aussi connes que les hommes.