Whisky et Paraboles - Roxanne Bouchard

Publié le 20 mai 2009 par Venise19 @VeniseLandry
J’ai découvert ce titre grâce aux blogues. J’y ai lu tant d’apologies que mes attentes étaient élevées, on le sait, c’est dangereux. Ce roman, parti gagnant avec son Prix Robert Cliche 2005 est présenté sous forme de journal et Élie qui le tient a de ces envolées poétiques des plus avenantes. J’aime la poésie particulièrement quand il y a une histoire et ici, chose plus rare encore, elle s’additionne de paraboles.
Une femme vient se réfugier dans un bled perdu, elle fuit une portion de sa vie. Comme toute personne qui vient se terrer dans un trou, elle veut avoir la paix de l’esprit et même se le geler, et c’est à l’aide de whisky dans le bar du village. Amorosa, petite bonne femme de 8 ans vient détourner le destin, en déposant sa détresse et sa sagesse sur le seuil de la maison d'Élie. Et encore, si ce n’était qu’elle, tout l’entourage d’Élie s’y mettra, un véritable complot pour la pousser à sortir du silence où elle n’écrit plus aucune ligne de sa vie. Le silence tourne le dos à l’engagement. Elle qui prétend vouloir écrire un autre chapitre de sa vie est incapable de tourner la page.
La relation de cette mère adoptée par une petite fille, d’assister à cet apprivoisement digne du Petit Prince (ici, une petite princesse) est ce que j’ai préféré. On aime voir un enfant sauvé par un adulte lui-même sauvé par un enfant. S’apprivoiser, c’est accepter de s’engager et à mes yeux, l'engagement en est le thème central. Plusieurs personnes tournent autour d’Élie, à commencer par son voisin vedette de la musique enseveli sous des tonnes de lettres d’admiration. Et qu’il n’ouvre jamais. Aucune.
- Quand on ouvre une lettre d’amour, quand on la lit, on est interpelé pis c’est difficile, après, de ne pas se sentir concerné, de faire comme si ça existait pas, de porter le poids de cet amour-là sans y répondre. Lire une lettre d’amour, c’est s’engager à quelque chose.
- À quoi ?
- À être responsable de la réponse.
Il y a Manu, un pianiste déraciné, André, un violoniste qui pleure sa généalogie, et le fantôme d’Élie, celui qu’elle attend : un mandoliniste. La musique que fait Élie est le son des mots, fée qui les aligne sur une portée à notre portée, les relie, les fait danser comme dans une fable, un rêve, un conte. À la Fred Pellerin tiens, pour tous les personnages de village bien ancrés et typés, et colorés si foncés exprès qu’ils déteignent sur nous. Qu’on les réclame pour venir habiter le vrai. Un roman de voyage courant sur la frontière de la réalité et du rêvé, où la poésie exulte par les pores du papier, suivant le fil volatile d’une poésie fantaisie.
Quitte à passer pour une trouble-fête, il faut absolument que je fasse mention de ce j’appelle un tic de style qui m’a rapidement agacé, et à la longue exaspéré, et c’est la manie de couper les phrases et de les finir avec que. Ou et. Et même et et et. Le texte en est surchargé et contrairement au tic, il est clair que c’est volontaire mais, personnellement, j’ai trouvé cela superflu et dérangeant.
Ce qui ne m’a pas empêché d’apprécier ce roman à saveur accentuée de conte, d’épistolaire, et d'hommage à l’enfance :
Amorosa,
Le sel de ma terre, le rire de mes soleils levants, la lune de mes hivers si blancs. Les semis dans le printemps. Amorosa, sans tes voyelles chantantes qui dansent dans l’été, le monde se fane. Amorosa, toi seule donnais des montanges de bottines à la mer, des dragons à mon frère, des débâcles à Manu, des gestes au conteur, des couleurs à l’automne, des bonbons à l’Halloween, une barbe au père Noël.
Amorosa,
Mon ange qui chante.
Billets : de Julie Gravel-Richard(Danaée) et deJules se livre sur Whisky et Paraboles, Roxanne Bouchard, VLB, 275 pages.