L’on comprends rapidement que Florence aura l'occasion de démontrer sa force de caractère, le destin s’acharne sur elle, disons que la guigne s’est arrêtée juste au-dessus de sa tête. Elle réagit par un réflexe peu commun ; aider les femmes démunies allant jusqu’à les héberger malgré que son fils en soit malheureux. Lui aussi est un homme fort puisque malgré toutes les contrariétés de la vie, à commencer par celles que sa mère lui fait subir, il deviendra tout de même un homme équilibré. Un aidant. Comme sa mère. Ça tombe bien puisque Éliane surgit dans leur vie. Cette flamboyante musicienne de jazz agit et réagit comme une vedette. Elle donne naissance à une fille, Camélie qu’elle entrevoit dès sa naissance comme une entrave à sa carrière. Et voilà la table mise pour nos deux aidants, mère et fils, qui ne manqueront pas de fil à retordre.
Des thèmes abordés, il y a la dyslexie, l’itinérance aussi, ce sera la musique qui prendra le dessus à travers Éliane, cette virtuose qui personnifie la femme artiste faisant passer son art avant la maternité. Est-ce parce que la femme de carrière qui passe pour une égoïste est une problématique dont on a beaucoup entendue parler mais je ne me suis pas sentie interpeler. Mal m’en pris, c’est le pilier du roman. Toutes les actions tournent autour de l’aide à apporter à plus mal pris que soi. Que ce soit du fils à la mère, de la conjointe Mireille au fils mais essentiellement de Florence à Éliane et sa fille, Camélie. Cette dernière monopolisera toutes les énergies des donneurs dans son champ environnant.
La trame de ce roman ciblant l’émotion de la désespérance à différents degrés est servie essentiellement par un style à la troisième personne. Je dois dire que la détresse, non abordée directement, me rejoint moins : « Raconte-moi comment tu as pu survivre à son décès. As-tu été aussi détruite qu’aujourd’hui ? Me rejoues-tu une scène semblable ? Je t’ai piquée, là. J’ai surpris un plissement de tes yeux, un serrement au coin de tes lèvres. Ça y est, tu retires ta main, tu repousses définitivement ton plat ... »
Certains chapitres donnent la parole au fils Samuel, ceux-ci sont au « je », et même chose pour Camélie sous forme d’extraits de lettres d’une dyslexique. Il est évident que Lise Blouin est une auteure au verbe facile, inspiré, et qu’elle a du souffle. Les lettres de Camélie et leur épice absurde dégageaient une poésie que j’ai appréciée.
Évidemment cette distance donnée par le style est une option défendable mais personnellement cela a joué contre mon attachement aux personnages. À tous les personnages. Leurs nombreux malheurs ne m’ont pas atteint, même pas un frisson sur le cœur. Sans jeu de mots, c’est bien malheureux. Si encore j’avais lu et vu une sincère interrogation de la part de Florence face à cette question soulevée au 4ième de couverture : « se dépenser sans compter pour les autres au risque d’y perdre son propre bonheur » est-ce la voie à emprunter ? Cela aurait suscité une tension qui, à mon avis, manque cruellement à cette histoire. Les réponses arrivent toutes cuites dans le bec du lecteur, c'en est presque de l'ordre du réflexe, Florence choisit d'aider son prochain.
Dans un article du Voir signé Dominic Tardif, l'auteure nous entretient de Dissonances - XYZ éditeur. Collection Romanichels 2009. 272 p.