« Déesses, nous rendions les dieux de l’Olympe complètement fous ; sirènes, nous faisions perdre le nord aux héros de la mer. Aujourd’hui, nous inspirons des romans à l’eau de rose et d’autres à saveur comique, des fils aux décors urbains, des séries télé diffusées à heure de grande écoute, des ouvrages de croissance personnelle, des blogues, des noms de martinis, mais par-dessus tout, nous inspirons de la pitié : nous sommes douces et gentilles, ma foi souvent même jolies, nous sommes ... » p. 11 (Si vous n’avez pas déjà deviné de qui il est question, je vous le donne en mille) ... des célibataires.
La première nouvelle « Ça vous ennuie déjà ? » est à prendre comme une introduction qui ma foi m’a beaucoup plue. Elle met en appétit pour les dix autres nouvelles et leur point commun les relations de couples dans notre mouvante modernité.
Je viens de les feuilleter afin de rafraîchir ma mémoire. Les nouvelles ne se lisent ni se commentent comme un roman puisqu'il s’agit avant tout de s’en souvenir ... « trois points de suspension » qui en disent long ! Le « après nouvelle » est révélateur. Avez-vous remarqué, même si on a aimé sa lecture pendant, il arrive que l’on ne se souvienne plus de l’histoire après. C’est ce qui m'arrive pour environ la moitié de ces nouvelles que j'ai pourtant lues avec intérêt. Une seule m’a laissé à peu près indifférente, ce qui est une bonne moyenne sur onze.
Et cette moyenne se hausse d’un cran pour la dernière et consistante «Êtes-vous mariée à un psychopathe ? » Cinquante-cinq pages et j’en ai aurais pris encore ! C'est une réussite pour son intrigue bien menée, son personnage de la mère tellement crédible, attachante comme le sont les gens de bonne foi remplis de maladresse. Très habile aussi de nous présenter cet œil qui regarde la jeunesse à partir de ses anciennes valeurs, cela met d’autant plus en évidence les nouvelles, pour l’effet contrastant. Les premières histoires brossent des tableaux à traits fins de couples jeunes, ou d’aspirantes à l’amour dans notre modernité instable. Les thèmes de dépendance affective y sont plus que effleurés, l’indécision, l’ambiguïté, le paradoxe, l’infidélité, l’ambition. L’homme y est intensément présent, central, parce que la parole est aux femmes. Pareil à ces soupers entre filles, mettant les hommes à la porte pour parler d’eux tout à leur aise !
Cette auteure a un propos social percutant et malgré son regard lucide, son style reste enjoué, optimiste. Cela n’est pas une moindre qualité dans cette ère où le malheur, la dépression, le drame ont souvent la cote.
Vous pouvez être certains que je vais continuer à suivre cette auteure :
« Les gens fidèles ne font pas les nouvelles » : Prix des libraires 2000), prix Adrienne-Choquette « Scrapbook » (2004).
Son œuvre est traduite en plusieurs langues, elle vit à Montréal.
N.B. : Même si je ne l’ai pas commenté, j’ai lu « Scrapbook » et bien aimé
Photo et article Voir.ca - signé Tristan Malavoy-Racine