LA VICTOIRE PROBABLE DE IOULIA, "l'égérie" au caractère bien trempé.
DECRYPTAGE RELATIO : Dans un mouchoir : c’était attendu ! Mais la plupart des prévisions donnaient les « hommes de Moscou » gagnants : ce ne semble pas le cas. Tard dans la nuit, selon trois sondages « sorties des urnes » concordants, les forces "orange" pro-occidentales (et surtout pro-démocratiques), réunissant le parti du président Viktor Iouchtchenko et le Bloc Timochenko, arrivent en tête aux législatives avec entre 44,9% et 45,7% des votes.
Les partis « pro-russes », soit le Parti des régions du Premier ministre Viktor Ianoukovitch et les Communistes, alliés dans le gouvernement sortant, n’obtiendraient qu’entre 39,4% et 39,6% des suffrages
Le scrutin se solderait par une grande victoire : celle de « l'égérie » de la Révolution orange Ioulia Timochenko qui réunirait plus de 30% des suffrages. Elle semble donc être la mieux placée pour devenir Premier ministre : dès cette nuit, elle s’est déclarée candidate « logique et narurelle » à la constitution du gouvernement.
Cela redonne un peu d’élan à ceux qui avaient placé beaucoup d’espérance dans la « révolution orange », une révolution démocratique gâchée par les divergences entre Iouchtchenko et Timochenko, aujourd’hui officiellement réconciliés.
Ce résultat, s’il se confirme, est une déception pour le Kremlin qui espérait un pouvoir ukrainien plus « proche » de lui et de ses préoccupations stratégiques, politiques et culturelles. Mais dès hier soir, Moscou a fait savoir que le dialogue sera ouvert avec le futur gouvernement « quelle que soit sa couleur ».
Au Conseil de l’Europe, à Strasbourg, il est clair que l’on attend les résultats définitifs du scrutin (qui apparemment s’est déroulé dans de bonnes conditions) pour faire tout commentaire. Mais cette victoire de la coalition « orange » ne peut que satisfaire les députés de l’Assemblée qui tiennent session à partir d’aujourd’hui. Renforcement de la démocratie, des droits de l’homme, des politiques culturelles et sociétales proposées par l’organisation paneuropéenne de 47…
Face aux nombreux défis intérieurs (unité du pays) et extérieurs, les Ukrainiens ont besoin d’un gouvernement qui puisse bénéficier de stabilité pour lancer des réformes qui s’inscrivent dans la durée.
Il n’est pas sans intérêt de noter que la campagne a été dominée en partie par des questions qui touchent à l’identité même de l’Ukraine, toujours marquée par la césure entre la partie occidentale composée d’anciennes terres polonaises et autrichiennes, tournées vers l'Europe et la partie orientale, très industrielle, fortement russifiée depuis Catherine II. Une césure encore aggravée par la nature de l’Ukraine centrale, où les influences se croisent, et par le cas bien particulier de la Crimée, qui n’a intégré la République socialiste d'Ukraine qu’en 1954.
Comme le soulignent la plupart des observateurs, y compris ukrainiens, parler d'un « Homo ukrainus », d'une identité nationale forte et solide, ne va absolument pas de soi, dans un pays de 47 millions d'habitants (dont 17% de Russes) soumis tour à tour aux influences lituanienne, polonaise, cosaque, autrichienne, aux tsars puis au régime soviétique dont il était un sujet jusqu’à la fraîche indépendance qui ne date que de 1991.