Le théâtre et la photographie (Gabriele Basilico)
Publié le 10 juillet 2009 par Marc Lenot
L’image première qui me vient à l’esprit à propos de Gabriele Basilico est celle des ruines de Beyrouth, paysage de désolation. Si ruines il y a ici dans cette exposition à la MEP (jusqu’au 30 août), elles ne sont que prélude à une reconstruction, à une renaissance. L’architecte de formation Basilico a suivi le chantier du Théâtre Carignano de Turin, un théâtre italien en bonbonnière, romantique, couvert de velours rouge à profusion, orné de caryatides et de fresques allégoriques, peuplé de belles dames en robe longue et de gentilshommes en frac, et résonnant encore des cris de ‘Viva Verdi’.
Le voici désossé sous nos yeux, plein d’échafaudages trop droits au milieu des rondeurs voluptueuses des balcons, la splendeur de ses couleurs voilée par des plastiques protecteurs, habité désormais par des hommes au parler rude coiffés de casques de chantier. C’est un monde sinon souterrain, en tout cas sous-jacent qui apparaît ici, occupant le devant de la scène le temps de la réfection, pour disparaître ensuite, c’est l’envers des choses qui surgit, les prolétaires qui prennent possession des lieux, les gravats et les étais qui s’imposent, le bruit des perceuses et des marteaux qui a chassé la musique, la crudité des lampes de chantier qui a fait s’évanouir la douceur des lustres.
Tout en haut d’un échafaudage, sous
le tourbillon des peintures sommitales, sont exposées des images, celles des fresques cachées par les bâches, comme une Mnémosys. De nouvelles perspectives inconnues apparaissent : à quoi ressemble la salle vue du fond de la fosse, sans rideau, sans apprêts. C’est bien une endoscopie indiscrète que Basilico nous offre ici, une exploration d’un squelette dépouillé pour quelques mois de sa chair culturelle, de sa peau mondaine.
Dans ce lieu de spectacle voué à l’illusion, à la représentation, la photographie ramène durement au réel, à la vérité de l’image; et, ce faisant, elle ouvre un nouvel espace, une autre vision.
Photos courtoisie de la MEP, ©Basilico.