Ces critiques me semblent un rien facile et inappropriées. C’est vrai, II n’est pas le genre de disque qui prend aux tripes. Plutôt un disque d’ambiance, de ceux qui accompagnent une rêverie, un voyage, un égarement solitaire. Aucun de ses titres ne s’adresse aux pistes de danse. N’en doutons pas, si les Scandinaves avaient voulu nous pondre une série d’hymnes mécaniques et de brûlots moroderiens, ils l’auraient fait sans aucun problème. La nature apaisée de cet opus relève donc d’un choix, certes discutable, mais qui a le mérite de présenter une nouvelle facette d’un binôme fasciné par les seventies et particulièrement par le krautrock et le rock progressif. Les références à Harmonia, Can, Brainticket et même aux Pink Floyd semblent cette fois avoir été privilégiées, les compères laissant de côté leur passion pour l’italo-disco.
Bien sûr, les synthés sont omniprésents. Mais leur utilisation relève moins de l’escalade euphorique que de l’installation d’un climat d’une douceur qui n’a pas grand chose de norvégien. Rien n’est ici conçu pour frapper l’auditeur en pleine face. Pour peu que l’on s’arme d’un peu de patience, c’est au fil d’écoutes répétées que se révèlent la finesse des harmonies et des arrangements et, finalement, le charme et la grâce de ce nouveau périple. Tous sur le même modèle, les morceaux se développent et s’enrichissent lentement autour d’un thème simple, qu’il soit imposé par le piano (“For Ett Slikk Og Ingering”), la basse (“Cisco”) ou la guitare acoustique (“Gudene Vett + Snutt”). Viennent ensuite les avalanches de bongos, les tourbillons analogiques et le nappage synthétique. La seule constante, c’est cette batterie qui doit un peu au kraut, et beaucoup au soft-rock californien à la Fleetwood Mac.
Je comprends que certains fans se sentent trahis en découvrant que leurs fournisseurs préférés de bombes disco donnent dans une telle fusion aux atours tiédasses. J’espère seulement qu’ils sauront surmonter leur déception et explorer les recoins de ce disque riche qui réserve quelques belles surprises, comme les choeurs et la guitare folk de la fin de “Flue Paa Veggen” (quelle belle langue que le Norvégien !), le final grandiloquent de “Cisco” ou celui, apocalyptique et noyé dans le phaser, de “Rett Pa”.
En bref : Lindstrøm & Prins Thomas délaissent le dancefloor le temps d’une jam marathon, convoquant kraut, funk et rock progressif pour un festin opiacé ancré dans les années 70. A réserver toutefois aux adeptes de longs voyages contemplatifs.
Lindstrøm & Prins Thomas - Cisco.mp3
A lire aussi : Lindstrøm & Prins Thomas - Tirsdsagsjam EP (2009) et Lindstrøm - Where You Go I Go Too (2008)
Les Myspace de Lindstrøm et de Prins Thomas
Le site du label belge Eskimo Recordings