Magazine Côté Femmes
JeuneHomme a 3 ans. Aujourd'hui. Et moi, au lieu de goûter tout sourire à son gâteau, je vais me surprendre à m'imaginer en fée marraine et à lui souhaiter 2341 voeux. Mais le plus cher: ne grandis pas trop vite.
Souvent, je trouve que JeuneHomme est passé dans le «beurre», derrière une grande soeur extravertie et moulin à paroles, ayant déjà séduit tout son monde. Il est arrivé sans grand fracas, à part ses cris puissants. Pour lui, n'ayant pas été piqué par une aiguille de gramophone, c'est sa manière, depuis toujours, de nous signifier sa présence. On le regarde avec les mêmes yeux qu'on regarde MissLulus. La différence pourtant: 3 ans et demi. Parfois - même souvent - j'oublie qu'il n'a que 3 ans. Je le vois plus grand qu'il ne l'est.
Je voudrais qu'il parle plus, qu'il chante plus, qu'il compte bien, qu'il dessine bien, qu'il écoute pile poil, etc. Je le reprends s'il tient son livre à l'envers; je le reprends quand il dit "hippotopame", je le reprends quand son cercle n'est complètement fermé, quand il inverse ses bottes de pluie, etc. Des fois, j'oublie qu'il a 3 ans et non 6, c'est vrai!
Mais des fois, aussi, je voudrais bannir cet écart. Les mamans de plus d'un enfant vivent-elles comme moi un décalage? Je me suis longtemps sentie coupable (mauvaise mère, sans coeur, name it!) les premières semaines après sa naissance de ne pas le comprendre, de ne pas le deviner, de ne pas l'aimer autant que sa soeur... Elle avait trois ans et demi d'avance et je ne l'acceptais pas. J'avais du temps à rattraper avec lui. J'avais un but en tête (courir plus vite que le temps) et je n'en démordais pas. Je voulais être la même maman pour les deux. Les connaître parfaitement tous les deux. Déchiffrer la moindre expression. Pareil. Égal. Puis, trainant ma crainte de ne pas être une copie conforme, les mois ont passé. Non, sans crises. Je m'obstinais à bercer JeuneHomme en lui chantant des chansons parce que MissLulus avait adopté cette routine. Je flattais le cou de ma fille qui frémissait chaque fois que je passais trop proche de ses oreilles (elle détestait) parce que mon gars aimait se faire minoucher de la sorte. Le retard était toujours là.
Un jour, mon amie So m'a avoué avoir senti ce même décalage. Déjà, je me suis sentie mieux. C'est une course perdue d'avance. Je n'y arriverais jamais... Quoique je fasse, MissLulus aura toujours trois ans et demi de plus d'expérience avec moi que lui... Puis, je suis tombée sur un épisode de SuperNanny où elle faisait écrire aux parents les qualités et les intérêts de chacun de leur enfant. «Pffft trop facile», que je me souviens avoir lancé comme commentaire. Mais deux jours plus tard, l'exercice m'étant resté en mémoire, je me suis attelée à la tâche.
Oups! Pas si facile (essayez!!). Je les ai regardés puis, je me suis mise à départager les goûts et les aptitudes de chacun, leur trait de personnalité et leur dédain. Quel choc: j'avais deux enfants différents. Et le temps que je perdais à vouloir me cloner en maman identique pour chacun d'eux, je ne l'occupais pas à les suivre dans leur propre élan.
Désormais, je sens que l'écart se ramincit vraiment. Je connais encore mieux chacun d'eux et je sais que MissLulus aura toujours une certaine «avance» de temps... Mais il m'arrive aussi de comprendre plus JeuneHomme, même avec notre retard commun... Et lui aussi me devine parfois mieux que sa soeur. L'écart est mouvant.
Ne grandis pas trop vite JeuneHomme, j'ai tout mon temps pour toi encore. Et j'aime apprendre à te connaître tout doucement! C'est aussi grâce à toi que je deviens imparfaite (et heureuse) un peu plus chaque jour! Bonne fête!