Lettres d’Amérique # 8 : Nous comprendrons-nous un jour ?

Lors d’une discussion avec un expert Californien en vins, j’ai eu l’occasion d’aborder le sujet des différences de point de vue entre les Américains et les Européens, Français en tête, et aussi de ce que nous connaissons et comprenons les uns des autres. Le bilan que je peux en tirer est… qu’il y a une certaine marge d’amélioration à ce niveau.

Que savent-ils de la France ?

On a parfois tendance à généraliser, à dire que les Américains ne connaissent rien en dehors de leur pays. C’est faux, mais il n’empêche que l’étranger n’est pas au coeur de leurs préoccupations. Ainsi, cet expert parlait de cépages d’origine française, mais n’avait presque jamais goûté (ou, selon son propre aveu, jamais goûté “correctement”) des vins élaborés en France à partir de ces cépages, et il n’avait aucune idée de la manière dont ils sont vinifiés en Europe.

Il paraissait très intéressé, mais n’en avait jamais eu l’occasion, et n’avait jamais pensé, de lui-même, à se renseigner à ce propos. En revanche, sa connaissance des vins Américains était excellente, et il avait quelques notions sur les vins d’Océanie et d’Amérique du Sud, qui lui semblaient plus proches et plus accessibles que les vins Européens. La notion d’accessibilité revenait souvent : les vins de France paraissent hors de portée, trop élitistes. Le mot est lâché.

Que savons-nous des États-Unis ?

Côté français, le bilan n’est pas beaucoup plus brillant. Depuis le Jugement de Paris, la situation a bien évolué, certes, et nous sommes de plus en plus ouverts aux vins venant de tous les continents. Mais savons-nous apprécier à leur juste valeur les vins de Californie, puisque c’est d’eux qu’il s’agit aujourd’hui ? Quel a priori avons-nous sur ces vins, et quelle est l’influence de cet a priori sur nos achats, nos cavistes, et sur notre palais ?

En allant à Sonoma, je ne savais pas à quoi m’en tenir. Je savais que la Californie était capable de produire de très grands vins. Je savais aussi que nous n’allions ni à Stag’s Leap, ni à Montelena. Quand on a apporté sur la table des bouteilles issues de cépages quasiment purs, et non de cuvées issues d’un assemblage, j’ai commencé à douter. Quand j’ai lu le programme de la dégustation, avec un vin rouge très léger et fruité juste après un Cabernet Sauvignon…

J’ai apprécié la visite, j’ai été émerveillée d’en apprendre autant, de m’ouvrir à une culture différente, j’ai essayé de me débarrasser de tous mes préjugés, mais le fait est qu’on m’a inculqué certaines choses ayant trait au vin. Une des premières étant la notion d’équilibre. Une autre étant l’ordre dans lequel on est censé déguster des vins afin d’en profiter au mieux.

Aujourd’hui, demain…

Cependant, cela fait maintenant plus de 30 ans que les portes se sont ouvertes entre les Etats-Unis et la France. Pendant cette période, il y a eu des échanges, des formations, des participations, des salons, des rencontres… Mais chaque viticulture a gardé ses spécificités, chaque population a continué de centrer sa demande sur des produits spécifiques, des produits locaux, même si cela s’est considérablement diversifié.

Je suis d’avis que cette diversité est une richesse, une force. Et j’espère que, à l’avenir, nous saurons garder ce goût pour nos produits “locaux”, tout en ayant les connaissances et l’absence de préjugés qui nous permettront de déguster et d’apprécier à leur juste valeur les vins venus d’autres contrées.