L'internaute se souvient - ou devrait se souvenir - que la Loi sur la protection contre le tabagisme passif [que l'on peut télécharger (ici )], votée par le Parlement le 3 octobre 2008, avait prévu la possibilité d'établissements fumeurs (voir mon article Les Dissidents de Genève ont trois mois pour convaincre ) :
Art. 3 Etablissements fumeurs
Une autorisation d’établissement fumeurs est octroyée sur demande aux établissements
de restauration qui remplissent les conditions suivantes:
a. ils disposent d’une surface accessible au public égale ou inférieure à 80 m2 ;
b. ils disposent d’une ventilation adéquate et sont clairement reconnaissables
de l’extérieur comme des établissements fumeurs;
c. ils n’emploient que des personnes dont le contrat de travail stipule qu’ils
acceptent de travailler dans un établissement fumeurs.
Les établissements fumeurs, dont il s'agissait, dans l'esprit du
législateur, étaient des locaux réellement fermés, puisqu'ils devaient être reconnaissables de l'extérieur comme des établissements fumeurs.
Une loi, pour être appliquée, doit faire l'objet d'une ordonnance. Si la loi est
votée par les parlementaires, l'ordonnance est concoctée par des fonctionnaires, qui doivent en principe en respecter l'esprit. Avant que l'ordonnance ne soit applicable, encore faut-il qu'elle
soit, à l'état de projet, auditée par un certain nombre d'organisations intéressées de près ou de loin à son objet.
Le 23 juin dernier la procédure d'audition du projet d'Ordonnance sur la protection contre le tabagisme passif a été ouverte par l'OFSP et une lettre (ici) a été adressée aux gouvernements cantonaux, aux organisations faîtières des communes et des villes, aux organisations
faîtières de l'économie, aux milieux intéressés (ici). Cette procédure se terminera le 4 septembre
prochain.
L'article 2 de l'ordonnance (ici) est libellé comme suit :
Interdiction de fumer et protection contre le tabagisme passif
1 Sous réserve des art. 3 à 6, il est interdit de fumer dans les espaces fermés:
a. qui ne sont pas uniquement accessibles à un groupe de personnes déterminé;
ou
b. qui servent de lieu de travail, à titre permanent ou temporaire, à plus d’une
personne.
2 Les espaces dont au moins la moitié de la surface du toit ou des parois latérales est
ouverte à l’air libre ne sont pas considérés comme fermés. Peu importe le matériau
dans lequel la cloison est fabriquée et le caractère permanent ou temporaire de celle-ci.
Le rapport (ici), qui
accompagne le projet d'ordonnance, explique ce qu'il faut entendre par là :
La notion d’« espaces fermés » a été interprétée de manière à prendre en considération la protection effective sur
la santé. Un espace doit avoir une ouverture d’au moins la moitié du toit ou d’au moins la moitié des côtés pour ne plus être considéré comme fermé. En effet, dans les pièces où seule une paroi
ou une petite partie du toit est ouverte, l’air chargé de fumée reste dans la pièce et ne circule pas suffisamment. Les personnes s’y trouvant sont donc presque autant exposées à la fumée que
dans un espace complètement fermé. C’est pourquoi l’installation de grandes baies vitrées sur un seul côté de l’espace, de terrasses en grande partie fermées par des bâches ou les espaces longs
et étroits avec deux petits côtés ouverts aux extrémités doivent, dans tous les cas, être considérés comme des espaces fermés. Les ouvertures doivent donner directement sur l’extérieur,
c’est-à-dire à l’air libre. Dans le cas contraire, comme, par exemple, pour les terrasses de café des centres commerciaux, il s’agit toujours d’un espace fermé.
Le matériel de construction de l’espace fermé, qui peut d’ailleurs être permanent ou temporaire, n’a pas d’importance. Ainsi, des tentes dont les parois sont constituées de bâches sont, par exemple, à considérer comme des espaces fermés, même si elles sont installées pour un temps déterminé.
Dans le Matin d'hier (ici), le journaliste montrait qu'à cette aune-là les terrasses abritées du vent et du soleil et les tentes lors de fête ou de
braderie seront considérées comme des locaux fermés, où il sera interdit de fumer. Comme il sera interdit de fumer dans des locaux fermés privés à partir du moment où
plus d'une personne assurera le service...
Dans le Matin d'aujourd'hui (ici), le journaliste rapporte les réactions des élus à l'article de la veille :
Ah bon ? La loi permet ça ? [ Dominique de Buman
(PDC/FR)]
Mais je n'ai jamais voté pour ça. [ Hugues
Hitpold (PRD/GE)]
C'est intolérable. La loi était claire. L'administration n'a pas le droit d'aller plus loin. [ Hans Fehr (UDC/ZH)]
Les fonctionnaires font des lois plus ou moins rigoureuses selon leurs opinions. [ Laurent Favre (PRD/NE)]
On n'est pas sorti du cadre, on l'a carrément explosé ! Le but était de protéger les employés contre la fumée passive et on se retrouve à interdire la fumée active dans les mariages. C'est
hallucinant. [Yves Niddeger (UDC/GE)]
Pour en arriver là, il aurait fallu avoir le courage d'interdire la cigarette. Mais nous ne l'avons pas fait. Cette loi est un compromis de compromis. Elle était donc très adoucie, mais les
hygiénistes de l'OFSP en ont fait un chef-d'oeuvre de technocratie. [ Christophe Darbellay (PDC/VS)]
Les parlementaires auraient dû plutôt avoir le courage de ne pas
faire de loi du tout. Car, comme le dit le professeur Philippe Even, le tabagisme passif n'a jamais tué personne ...
Francis Richard
Sur le tabagisme passif, voir notamment mes articles Le Pr Molimard dit tout ce que vous devriez savoir sur le tabagisme et Le Pr Molimard apporte son soutien aux Dissidents de Genève
La photo provient d'ici