Shin Takahashi est né le 8 septmebre 1967 à Shibetsu, dans la préfecture d’Hokkaido. Il débute sa carrière en 1990 avec des publications le magasin Big Comic Spirits. C’est en 2000 qu’il publie son meilleur manga, Larme Ultime, qu’il termine fin 2001, chez Shogakugan, la maison d’édition responsable du magasine Big Comic Spirit.
Shûji et Chise fréquentent la même école dans la petite ville d’Hokkaido. Malgré sa grande timidité, Chise trouve un jour le courage d’avouer ses sentiments à Shûji et ils finissent par sortir ensemble. Mais leur maladroite et touchante histoire d’amour va prendre une tournure inattendue lorsque le pays se retrouve en guerre et que Shûji découvre que l’armée a transformé sa petite amie en une arme de destruction massive…
Dossier ci-dessous
La guerre, une peur ancrée:
Chise, une arme ultime
Bien que débutant sur une amourette de lycéen, le fond du manga est bien la guerre et une guerre totale, contre un ennemi qui reste invisible tout le long des 7 tomes, rajoutant de l’angoisse dans une société marqué par l’histoire. Le Japon est aujourd’hui pacifique mais personne n’ignore son passé militaire glorieux, des valeureux samouraïs aux kamikazes de la Seconde Guerre Mondiale. Après la défaite de 1945 et la violence qui ont mis fin à la guerre au Japon, avec les bombes atomiques, la peur de la guerre est bel et bien présente. On retrouve ce sentiment tout au long du manga par trois points de vue:
- Des soldats tout d’abord. Ils vivent le conflit directement. Mais au fil du temps, ils doutent et finissent même par se demander le pourquoi de ce guerre, surtout que la plupart ignorent qui est l’agresseur. Se battre sans savoir pourquoi est la pire chose qu’un guerrier peut connaitre. Même les engagés volontaires regrettent leur choix car ils croyaient se battre pour une chose juste mais tout ceci n’est peut-être qu’une illusion, à tel point que certains deviennent fous. Le fait de vivre leur quotidien troublé est une dénonciation directe de la guerre, surtout quand on ne sait pas la raison d’un tel conflit.
- Des civils. Ce n’est pas un point rarissime mais il est beaucoup plus touchant ici. D’une part parce que ce sont surtout des lycéens que l’on voit et que leur avis innocent a de quoi faire réfléchir. Ils cherchent à se rassurer de façon naïve mais compréhensive, auprès de leur armée, sans se douter qu’eux aussi sont dans le même état d’esprit. La vision des civils tournent surtout autour du héros, Shuuji, qui tient à ce moment le rôle d’observateur mais également de dénonciateur, devant l’horreur qu’il voit, puisqu’il est le narrateur, le témoin. Ses amis souffrent des combats, qu’ils soient dans l’armée ou victimes. Sa vision des choses évolue vite et pourrait être celle de n’importe qui voyant sa vie se désintégrer au fur et à mesure. L’absurdité des batailles prend alors un sens différent de celui des soldats mais proche de la réalité, telle qu’elle pourrait être.
- De Chise. Chise est la petite fille maladroite par excellence et son statut “d’arme ultime” est en opposition parfaite. Qui pourrait la soupçonner d’être l’arme absolue que tous craignent, même son propre camps? Mais ce qui frappe, c’est qu’elle ne comprend pas ce qui se passe, elle qui pourtant n’est qu’une arme. Perçue comme une chose devant exécuter les ordres qu’elle reçoit, c’est sans doute elle qui comprend le mieux la nature barbare et inutile de la guerre. Elle ne surmonte ce paradoxe que par l’amour que lui apporte Shuuji. Son “témoignage” indirect est le plus frappant car ce serait comme interroger un fusil d’assaut sur ce qu’il pense de la guerre. Quand l’arme prend conscience du mal causer et qu’elle y porte un jugement, c’est que l’on a pris la mauvaise direction. Bien sur, ce n’est qu’un symbole (ce qu’un manga permet) mais le message est bien là et très clair.
Les Roméo et Juliette de l’apocalypse:
L'amour, source de vie
Malgré un thème fort, mis en scène parfois brutalement qui procure un malaise certain lors de la lecture, il y a une note d’espoir inscrite en filigrane. Ne l’oublions pas, Larme Ultime est aussi et avant tout une histoire d’amour. Débutée comme une sorte d’amourette sans grand intérêt et d’une banalité affligeante, elle se meut petit à petit en un amour le plus pur qui soit. En parallèle des atrocités que subissent les protagonistes, on assiste à l’évolution respective des sentiments des deux héros qui suit un chemin opposé à celui du reste du monde. Plus le monde s’écroule dans la destruction et plus leur amour est fort. Ce choix est tout à fait compréhensif puisqu’il est le dernier espoir de l’humanité. Si deux enfants parviennent à s’aimer dans ce chaos, pourquoi le monde n’en ferait-il pas autant? La relation Chise/Shuuji n’est pas innocente. Plus qu’une histoire d’amour entre lycéen, il s’agit bien d’un double message. Le jeune homme est le témoin direct et le narrateur de la tragédie, surtout qu’il vit pleinement le changement en partageant la vie d’une machine à tuer implacable. Le message devient plus percutant pour le lecteur car il ne peut s’empêcher de se mettre à sa place
Il est fait mention à plusieurs reprises d’une vengeance de la Terre à l’encontre des hommes qui n’ont fait que la détruire. Il apparait clairement que notre petit couple est une réponse à cette vengeance mystique. A cet égard, une double allusion le prouve. D’abord à l’Arche de Noé, quand Shuuji se retrouve seul survivant du massacre, à bord d’une bulle protectrice, dressé par l’entité la plus puissante, Chise. Pour maintenir la vie, elle sauve le seul être digne de survivre, comme Dieu le fit avec Noé. La deuxième allusion est dans le concept d’Adam et Eve, lorsque l’amour du jeune garçon permet à son seul et unique amour de “renaitre” avec lui dans cette bulle mais au lieu d’être chassé du Paradis, ils sont chassés de l’Enfer. Dit comme cela, la fin peut vous paraitre étrange mais elle est au contraire limpide et en accord avec ce que montre Takahashi. On peut et on doit y voir un message bien connu “faites l’amour, pas la guerre”. Je dis “on doit” car nos héros n’hésite pas à appliquer cette phrase au pied de la lettre alors que tout se disloque autour d’eux. Il n’y a rien d’obscène, juste de symbolique, comme le reste d’ailleurs. Ils sont les Roméo et Juliette, d’un monde en décadence.
Un style particulier:
Il y a peu de décor, juste l’essentiel, parfois masqué comme par un voile fin, donnant une ambiance mystérieuse et envoutante. Le style n’est pas sombre, plutôt kawai mais cela n’a rien d’étonnant puisqu’au delà du thème de la mort, c’est bien l’amour qui prédomine et laisse son empreinte sur tous les tomes, grace aux traits crayonnés et simples. Le fait que Shuuji soit le narrateur de cette catastrophe explique ce côté attendrissant et c’est donc un point de vue innocent et amoureux qui ressort. On pourrait presque croire que Takahashi n’est pas l’auteur mais bien le jeune garçon. Cet effet était loin d’être gagné d’avance mais il réussit parfaitement ce tour de passe-passe.
Larme Ultime est un manga qui ne laissera aucun lecteur insensible car il évoque des thèmes sérieux, d’une façon dur et avec beaucoup de justesse. 7 tome, ca se lit sans fin. A noter que le titre de l’anime s’écrit “L’Arme Ultime” mais c’est totalement volontaire. Cela ne fait que renforcer la portée de l’oeuvre.