Certains historiens ont cru, et certains croient sans doute encore, à la « supériorité » des sources fiscales, légales et administratives sur les sources plus... « littéraires », croyant, dans la masse desdites sources administratives (actes notariés, de naissance, inventaires après décès, registres de plaid, documents fiscaux...) trouver l'objectivité. Surtout en faisant, en quelque sorte, une « moyenne » pour éliminer les cas exceptionnels. La statistique, ça c'est objectif, môssieu. Et j'ai des chiffres.
Je vous livre donc cette intéressante anecdote : je suis étudiant dans un établissement universitaire lyonnais, mais mon directeur de mémoire était (et est toujours) à Paris. J'ai donc soutenu à Paris un mémoire d'histoire médiévale « lyonnais » (quoique cohabilité entre autres avec l'EHESS, qui pourtant est à Paris...). Or, sur le formulaire de procès-verbal de soutenance, la date, élément cher aux diplomatistes, suit le format suivant :
À Lyon, le ...Le lieu est fixe. Pas moyen de soutenir ailleurs qu'à Lyon. Selon le PV, j'ai donc soutenu à Lyon, quoique selon ma mémoire, ce fut à Paris (mon portefeuille confirme, et salue au passage la SNCF). Mais, par la puissance du formulaire, Paris, ou du moins un petit morceau de Paris (mais pas n'importe lequel, il s'agissait tout de même d'un bout de Sorbonne) s'est retrouvé transporté à Lyon.
Voilà une puissance du verbe devant laquelle maints auteurs de sources « littéraires » n'ont plus qu'à s'incliner : peu, je crois, ont jamais réussi une telle téléportation.