de faible portée souvent, la phrase qui dévide une enfilade de talus, des brassées d’aulnes rectilignes − leur peigne rouge brun sur la neige, on se laisse emmener dans la distance à perte de vue, partant des brûlis dans les terrains tourbiers, mais on dirait que cela n’empêche rien, on a cru durablement larguer derrière soi des dépouilles, il y a toujours un moment où la vieille ombre s’ingénie à nous précéder, balbutie-t-on une syllabe qu’on déchire un tissu de l’enveloppe de la voix, on a été poussé en avant les poches creuses, sans paroles à débiter, du corps trop étroit pour contenir assez de vies, chaque fois qu’on se nourrit, on épuise la terre d’où on vient, jusqu’à se retrouver pieds ballants au bord d’un surplomb, un néant dessous, la mère dévalée brusquement au fond d’elle-même − n’en reviendra pas, ne parlons pas pour éviter d’avoir la gorge rompue, on ne fait rien qu’à rebours de ce mouvement qui tend vers l’immobile, retourné à l’étui des angoisses où la voix se brouille, éloigne-toi, vite !
Mary-Laure Zoss, Entre chien et loup jetés, éditions Cheyne, 2008, p. 82
Contribution de Tristan Hordé
Mary-Laure Zoss dans Poezibao :
biobibliographie, extrait 1, entre chien et loup
jetés (par A. Emaz), extrait 2, Le Noir du ciel
(par F. Swiatly)
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