Le scientifique en question est le professeur Saturne. Après l’assassinat de sa soeur, il se donne pour mission de franchir la barrière de la mort, pénétrer la mémoire des défunts, retrouver leurs derniers souvenirs, le visage du meurtrier par exemple. Au détour des châpitres, on lit le carnet de bord du Professeur, ses recherches sur la mémoire de l’oeil comme imprimante de celle-ci. Il a rapidement conscience qu’il doit sortir des sentiers battus, flirter avec l’alchimie. Il s’oriente vers les travaux d’un obscur autodidacte allemand (il n’y a qu’un teuton pour faire ce genre de recherches…), Jeroen Balsinger, qui décollait les rétines pour tenter, sans succès, d’en tirer un visuel. Mais ces expériences ont donné un déclic au Professeur Saturne : l’holistique. Il s’inspire aussi des recherches du physicien Joseph Fourier sur le langage des ondes. L’objectif est de localiser dans le cerveau les ondes d’un souvenir donné. Une fois ce “tapis de souvenirs” isolé, chercher le moyen de rendre son motif lisible (hologramme) en trouvant le bon “laser de lecture”.
Bien, j’en vois deux qui décrochent au fond la classe…
Mais un élément pourrait bien vous réveiller ! Au moment de l’autopsie de Saturne, on découvre une puce RFID dans son estomac. Ce n’est pas la preuve qu’il mangeait les aliments sans enlever l’emballage. Il était espionné. Et on apprend au fil de l’histoire que toutes les agences américaines sont impliquées : CIA, FBI, Pentagone. Sauf qu’il n’a pas eu le temps de leur faire le coup du lapin… (Mon coup était prémédité, hein ?!)
Dans cette aventure, la CIA et le FBI se font concurrence pour retirer les profits du Projet Saturne, un projet qui permet de surveiller n’importe quel individu sans qu’il ne s’en aperçoive : tout ce que vous pensez sera retenu contre vous. Cependant c’est le Pentagone qui peut en tirer le meilleur bénéfice. Car si l’on peut prévoir la pensée d’un individu, puis envoyer dans n’importe quel cerveau une pensée formatée, on n’aura plus besoin ni du FBI, ni de la CIA. Par ailleurs, quand bien même ces derniers pourraient utiliser la technologie du Projet Saturne, celle-ci permettrait de tout contrôler : il n’y aurait donc plus rien à surveiller !
C’est aussi un roman sur fond politique qui montre comment l’administration Reagan contre Cuba au travers d’associations de défense de la démocratie qui, dans le cadre de ce roman, sont elles-même noyautées par le contre espionnage cubain. En ligne de mire le trafic de drogue d’un côté, la suprématie étasunienne en Amérique du Sud de l’autre. Ce thriller est enfin une charge contre les gouvernements qui voudraient utiliser la science en vue de manipuler, diriger et, finalement formater les esprits.
Quant à la mort de Diane, les recherches du Dr Saturne permettent d’identifier l’assassin : le résultat est à la fois inattendu et térrifiant !
Goodies :
Ce roman annonce la naissance d’un nouvel inspecteur : Elvis Casanova.
Le Rudolph Valentino de la Criminelle de Baltimore vient d’entrer dans la danse ? Ce George Clooney du holster, prêt à tomber la ceinture à la moindre jupette. Cet Antonio Banderas buveur de rhum qui a la réputation de haïr les fédéraux autant que les fédéraux se haîssent entre eux ! Enfin, y a-t-il plus déprimant que de voir ce descendant de Serpico collectionner les distinctions de l’Académie et envoyer ses petites amies les recevoir en son nom !
A un moment donné, Elvis Casanova est espionné par des petits objets volants, eux-même poursuivis par des faucons dressés. Ces petits espions existent, on les appelle des minidrones. Je suis tombé tout à fait par hasard sur un challenge organisé par l’Office National d’Etudes et de Recherches Aérospatiales qui visait à mettre en concurrence des projets de minidrones. Amusant, on se croirait au salon du modélisme !
Je vous offre ce passage pour donner le style de l’auteur et, au passage féliciter ce dernier, car ce roman est un véritable pavé, complexe, fouillé, long, qui aurait pu devenir rapidement rébarbatif sans la plume d’un autodidacte passionné par l’écriture. Elvis Casanova manque de se faire dévorer par les loups :
D’abord, c’est rêche, et humide. Mais surtout rêche.
Mais surtout pendant une fraction de seconde, c’est pointu.
De toutes ses forces, Elvis soulève une fois encore ses paupières. Ses yeux n’ont pas achevé leur mise au point, qu’il est confronté à une autre paire d’yeux ; un regard animal, aiguisé.
Un des loups s’est penché sur lui. En voyant l’inspecteur reprendre connaissance, le loup s’arrête un instant, puis recommence à laper. Il se comporte comme si l’inspecteur n’existait quà titre de subsistance.
Ce livre a été lu dans le cadre de mon lit douillet l’opération Masse Critique organisée par Babélio. C’est aussi l’occasion de découvrir leur sympathique rayon Thriller Suspens, déjà bien étoffé !
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