Depuis le Congrès de Reims et « l'élection » de la Première Secretaire, depuis la raclée du PS aux élections Européennes je ne me considère pas obligés de défendre le PS. J'estime que le PS occupe un créneau politique dans lequel je devrais pouvoir me reconnaître, et surtout, qui devrais être décisif dans la vie politique. Occupant ce créneau, j'estime qu'ils ont une responsabilité. Si aujourd'hui rien n'indique que le PS compte prendre au sérieux cette responsabilité, même le sympathisant lambda est en droit de se montrer plus exigeant.
L'une des conséquences heureuses du score calamiteux du PS aux européennes, donc, était le succès des écologistes. Le pôle écologique n'avait pas pesé lourd à Reims Soudain, on s'intéres, alors que soudain nous apprenons que le socialisme n'a pas besoin d'être productiviste, et même qu'il a pris un tournant historique majeur :
Le socialisme est né du rapport capital-travail dans l'entreprise. Nous l'inscrivons désormais dans un rapport capital-travail-nature.
C'est Martine Aubry qui parle, dans son entretien au Monde. Après un siècle et demi d'affrontement entre le capital et les travailleurs, on invite « la nature » à la table. La formule a au moins le mérite de vaguement refleter la distribution des forces politiques en France - UMP, PS, écolos - mais dans sa formulation même annonce son échec.
Je ne suis pas au courant des théories les plus récentes de l'écologie politique, mais je suis un peu surpris de voir le terme « Nature » réapparaire dans le discours de la PremSec. Cela a quelque chose de vieux jeu. Je regarde le site du Pôle Écolo sans trouver (sur la page d'accueil) une seule fois le mot « Nature ». Ils ne parlent que de renouvelable, voitures électriques. Idem pour Les Verts : pas une seule fois « Nature » (sur la page d'accueil). Bon, Aubry veut être théorique, elle va à l'origine des choses, tant mieux, me dis-je. Mais aussitôt, à la suite de la phrase que j'ai citée :
Mais il ne faudrait pas que la nécessaire lutte contre le réchauffement climatique et pour la préservation de nos richesses naturelles nous conduise vers une sorte de néonaturalisme, une société qui refuserait l'innovation, la création, la mobilité, et qui se replierait sur elle-même, sur la tradition, sur des tribus, des communautés. L'écologie est compatible avec le développement et le progrès.
Il fallait bien parler « Nature », mais voilà où le mot nous mène. Vers une société troglodyte, avec tout le Bureau National du PS en train de vivre de la cueillette, des « tribus »... Qui a parlé de tribus ? Pas les écologistes en tout cas. Mais cette image de la « Nature » montre bien que la Nature est bien extérieure à l'idéologie d'un certain PS. D'où la fantasmagorie, et, surtout, la crainte immédiate que l'écologie vienne freiner le progrès économique. Là où par ailleurs on parle même plus de « développement durable » mais de « croissance verte », Martine Aubry en est restée au stade du conflit entre les industriels et écolos. Et s'il faut freiner un peu le capitalisme, il commence à devenir de plus en plus clair pour moi que le socialisme titiniste est fondé sur un dialogue privilégié justement avec le Kapital.
Et voilà le problème de fond. J'ai fini par pouvoir mettre le doigt sur ce qui me gênait dans tout un pan du socialisme actuel. Marc Vasseur avait cette citation, issue d'un dossier de L'Express sur Aubry :
« « Je voulais que Martine Aubry leur (aux patrons du nord) dise en face ce qu’elle ne cessait de répéter dans ses discours, indique l’hôte des lieux. Que si la finance internationale avait été dirigée par des grands patrons sociaux du Nord, la crise ne serait jamais survenue. ». C’est Bruno Bonduelle qui a tenu à déclarer cela à propos d’une rencontre entre Martine Aubry et ces derniers...
La « solution » sociale serait à trouver justement dans cette entente avec des très grands patrons, un peu éclairés, guidés finalement par un PS très familier, très proche, l'interlocuteur privilégié dont le rôle est d'harmoniser les relations sociales tout en agissant systématiquement pour le bien de ces entreprises, dans un rôle pas si différent de ce que fait, je prends un exemple au hasard, Nicolas Sarkozy quand il arrange les choses pour ses amis du Medef. La distinction serait dans le poids donné au social, mais l'accent mis sur la réussite du capital à presque tout prix n'est pas ce qui permet de différencier les deux camps.
Admettons qu'une telle position était logique pendant les Trente Glorieuses, ou même jusqu'à ce qu'on se rend compte de la mondialisation de l'économie. Les grands patrons du Nord de la France ont eu quelques soucis, et sont loin, mais très très loin, d'être en mesure de gérer les finances du monde. Et c'est précisément dans ce monde mondialisé, où le travail se délocalise pour un oui ou pour un non que le socialisme doit devenir une véritable force critique. Il n'est plus question de faire confiance aux très grandes entreprises. Les arrangements ne seront plus favorables. La solution ne viendra pas d'une compromise entre ces forces. Il faut faire avec son temps, sortir de la nostalgie d'une époque où tout pouvait se négocier entre partenaires sociaux.
Je garde un petit espoir que le discours écologique fournira quelques éléments pour une position véritablement critique, mais il faudrait un PS qui veuille bien entendre.