Sources : SuperNo - Blogueur associé | Mardi 07 Juillet 2009 à 13:01
Le réchauffement climatique est admis. La responsabilité humaine dans l'affaire, aussi. Mais les lobbys sont puissants, notamment celui du nucléaire. Selon Superno, le gouvernement poursuit sa politique de vitrine: des mesurettes franco-françaises qui ne font que repousser l'échéance.
(photo: mikecogh - Flickr - cc)
Au Canard Enchaîné, on appelle ça le « mur du çon ». Et il a été franchi par un multirécidiviste, Nicolas Sarkozy, qui s'exprimait avec sa perruque poudrée devant sa cour les parlementaires réunis à Versailles :
« Je souhaite que nous allions le plus loin possible sur la taxe carbone. Plus nous taxerons la pollution et plus nous pourrons alléger les charges qui pèsent sur le travail. C'est un enjeu immense. »
Et c'est ce type qui nous gouverne. Son but dans la vie, c'est « alléger les charges qui pèsent sur le travail ». Sous entendu, « faire gagner toujours plus s'argent aux actionnaires ». Exactement le système funeste qui a justement conduit au réchauffement climatique. Décidément, la hauteur de son esprit est exactement au même niveau que sa hauteur personnelle !
Remettons donc les choses en place : il y a un (quasi) consensus pour dire que les activités humaines qui émettent des quantités déraisonnables de gaz à effet de serre sont responsables du réchauffement climatique en cours, et que si on ne les diminue pas de 80% d'ici 2050, la Terre risque en l'espace de quelques générations de devenir tout simplement inhabitable.
Je suis donc d'accord avec la dernière phrase présidentielle : l'enjeu est immense. Tout comme le chantier qui s'annonce.
Notre Nain National a confié au presque octogénaire Michel Rocard la présidence d'une « Conférence des Experts » qui se tient en ce moment et qui doit phosphorer sur cette « Contribution Climat Energie ». Cette « contribution » est d'ailleurs plus connue sous le nom de « taxe carbone ». C'est notamment le dada de Jean-Marc Jancovici, qui le martèle depuis des années.
Le principe est simple : augmenter artificiellement le prix des énergies polluantes pour encourager sinon contraindre les utilisateurs à s'en détourner au profit d'autres moins polluantes.
Mais attention : je ne voudrais pas faire de peine à Jancovici, mais son projet est en de bien mauvaises mains : car si le principe de la « taxe carbone » est simple, elle peut en réalité revêtir de multiples formes, et notamment être vidée de son sens et/ou totalement pervertie si des individus mal intentionnés s'en emparent. Et c'est le cas !
Rocard a prévenu : « Cette taxe ne peut en aucun cas être un accroissement de nos prélèvements obligatoires, elle doit être substituée à d'autres impôts ». Il ajoute qu'elle « porte en germe, à échéance, une refonte de tout notre système fiscal ».
Oui, une refonte du système fiscal. Mais sous Sarkozy, une « refonte » ne peut que faire craindre le pire. D'autant que le montant attendu est curieusement similaire au coût annoncé de la scandaleuse suppression de la taxe professionnelle.
Car même si on considère qu'il ne s'agit pas d'augmenter globalement les impôts, il s'agit par principe d'en modifier la répartition. Ce qui signifie mathématiquement et inévitablement que certains vont devoir payer plus pour que d'autres en paient moins. Même si Chantal Jouanno, la voix de Sarkozy, a déclaré que la taxe « ne portera pas atteinte au pouvoir d'achat des ménages ».
Le but simple à comprendre serait pourtant que les moins pollueurs soient avantagés au détriment des plus pollueurs. Que le prolo dont le principal loisir est de rêvasser, de lire, et d'observer de sa fenêtre les oiseaux et les étoiles, soit favorisé, au contraire du cadre friqué qui possède 3 bagnoles, 2 résidences secondaires, qui achète un nouveau gadget électronique toutes les semaines, passe ses week-ends à New-York et ses vacances aux Maldives, et qui devra un jour comprendre qu'il va bien falloir que ses pitreries cessent !
Les objecteurs de croissance connaissent bien le concept sous le nom de « financement par le mésusage » : l'eau du robinet que l'on utilise pour boire ou se laver, c'est de l'usage. Mais pour remplir sa piscine, c'est du mésusage.
Je vois déjà les levers de boucliers des différentes catégories : personne ne voudra payer : ni les entreprises (qui ont sur Sarkozy une influence déterminante), ni les riches particuliers (dont on peut dire tout en restant poli et euphémistique, qu'ils ont été bien traités depuis 2 ans), ni les « classes moyennes », ni les pauvres.
Il faudra pourtant bien que quelqu'un passe à la caisse, sinon il n'y aura jamais de réforme !
Hélas, le projet envisagé aujourd'hui est assez limité : il resterait franco-français, et consisterait principalement à « taxer l'énergie » et les transports (lesquels sont responsables pour 40% des émissions françaises). C'est à dire principalement le pétrole (carburant, fuel domestique), le gaz, mais surtout pas l'électricité, lobby du nucléaire oblige ! Un véritable scandale, et une subvention à peine déguisée au chauffage électrique !
J'ignore totalement à l'heure qu'il est quelles mesures vont être mises en oeuvre, mais je crains qu'il ne s'agisse que de mesurettes.
Pourtant, une autre idée à fait son chemin du côté de chez Hulot : une augmentation du prix de ces énergies en échange d'un « Chèque ». Cela me semble fort séduisant au moins sur le papier. Le principe en serait le suivant :
- On attribue tous les ans à chaque « ménage » une somme d'argent.
- En contrepartie, on augmente le prix de l'essence, du gaz, du fuel.
Exemple pour l'essence : si on considère qu'une voiture moyenne consomme 7l/100km et parcourt 13000 km/an, que le gasoil coûte 1 euro le litre, la dépense moyenne en carburant est de 910 euros par an. Mettons 1000 pour faire un compte rond. La mesure consisterait donc à :
- donner un chèque de 1000 euros par ménage.
- doubler le prix du gasoil qui passerait donc à 2 euros par litre.
La première année, cette mesure serait neutre pour un automobiliste moyen qui ne changerait pas son comportement. Mais ensuite, on continuerait à augmenter graduellement le prix de l'énergie, ou à diminuer le montant du chèque.
Non seulement cette mesure favoriserait les cyclistes au détriment des automobilistes; ceux qui possèdent une seule voiture et non pas deux, ceux qui ne roulent que 5000 km/an et pas ceux qui en font 30000; mais elle inciterait les pollueurs à modifier leur comportement, par exemple en empruntant les transports en commun (à condition qu'ils existent) ou en covoiturant par exemple.
Mais si on ne veut pas transformer cette idée en mesure imbécile destinée à faire chier les pauvres ruraux, il faudra bien évidemment :
- Que son application soit intelligente, avec des exemptions (communes rurales, montagnardes, pas desservies par les transports en commun)
- Qu'elle soit progressive.
- Que le produit de cette taxe soit utilisé, non pas pour « baisser les charges », cette stupide antienne libérale, mais pour financer des activités liées au problème.
- Mettre en place un gigantesque chantier d'isolation des logements anciens subventionné par l'état.
- Développer les énergies renouvelables autant que possible.
- Développer les transports en commun notamment dans les communes rurales sus-citées.
- Que le rapport au travail soit revu pour
- Réduire et assouplir les horaires pour tenir compte de temps de transport plus longs
- Développer le covoiturage
- Développer le télétravail
- Renoncer aux âneries comme le travail du dimanche.
Il ne s'agit pas non plus de s'en tenir aux particuliers : pourquoi taxerait-on la vieille qui n'a que son « minimum vieillesse » pour survivre et qui doit remplir sa cuve de fioul si elle ne veut pas mourir de froid, en épargnant Total et ses 14 milliards d'euros de bénéfices (en 2008, même s'ils n'en prévoient « que » 9 milliards en 2009) ? Ça n'a pas de sens. Les profits de Total et des autres pollueurs doivent être taxés, et le produit de ces taxes doit être réutilisé pour financer les travaux que j'ai cités plus haut.
Comme je l'ai raconté là, les quotas d'émissions attribués aux entreprises ont principalement servi à conforter les pollueurs en entérinant les situations acquises. Que certaines d'entre elles, parmi les plus polluantes, font pression sur les gouvernements en faisant du chantage à l'emploi ou à la délocalisation.
Mais ce n'est pas parce qu'une activité « crée des emplois » qu'elle est légitime ! Il faut reconvertir une partie des industries polluantes du passé (sidérurgie, automobile) en de nouvelles activités axées sur l'environnement. A cet égard, j'ai été fort heureux de lire un papier de l'inénarrable Michael Moore sur la reconversion des usines de General Motors : je pense exactement comme lui, et je l'ai déjà dit à de nombreuses reprises ! L'original est sur son blog, et Courrier International en a fait une traduction approximative.
Autre problème, c'est que toute mesure franco-française ne sert pas à grand chose, puisque le CO2, comme le nuage de Tchernobyl, ne s'arrête évidemment pas aux frontières. L'occident a déjà partiellement résolu le problème avec la délicatesse qui caractérise les libéraux en délocalisant les usines en Asie, mais globalement cela ne change rien à l'affaire.
Il y a un hic : toute tentative de taxer les produits importés en provenance de pays lointains (qui consomment énormément d'énergie rien que pour arriver jusqu'à nous) ou qui ne respectent aucune norme environnementale, se heurtent à un « détail » (au sens lepenien du terme) : c'est tout bonnement impossible !
En effet nos différents gouvernants ont tous validé les accords ultralibéraux du GATT, puis de l'OMC, qui interdisent formellement ce genre de discrimination, rebaptisée « protectionnisme » (sortez les gousses d'ail et les crucifix !). L'actuel patron de l'OMC, Pascal Lamy, se dit pourtant « socialiste ». C'est du même niveau que les députés qui ratifient les traités européens puis feignent devant leurs électeurs de s'indigner de la privatisation de la Poste...
De toute façon, pourquoi voulez-vous que des individus qui n'ont jamais été foutus de mettre en place une taxe sur le non-respect des principes sociaux de base (salaire, droit du travail et protection sociale), puissent procéder différemment pour les principes environnementaux ?
Enfin, et c'est de loin le plus important : toutes ces mesures ne serviront à rien tant que nous ne serons pas sortis de l'idéologie funeste de la « croissance ». Il est inutile de construire des centaines d'éoliennes qui vont représenter à peine 1% de notre consommation électrique si c'est pour augmenter ladite consommation de plus de 1% par an ! Il serait considérablement plus efficace de commencer par diminuer cette consommation, ce qui ferait toujours autant de CO2 qui ne risquerait pas de se retrouver dans l'atmosphère, et permettrait de fermer progressivement ces saletés de centrales nucléaires !
Car depuis Rio en 1992, tous les guignols, Sarkozy comme d'autres, qui se sont succédé, sautant sur leurs chaises comme des cabris en criant « le CO2, le CO2, le CO2 » ont fait tout le contraire de ce qu'ils préconisent dans leurs vertueuses déclarations, avec pour résultat inévitable l'augmentation des émissions !
Les chiffres, toujours eux, sont cruels : les émissions planétaires de CO2 dues aux énergies fossiles sont passées de 20.8 milliards de tonnes en 1990 à 26.6 milliards de tonnes en 2004, soit la bagatelle de 28% de hausse ! Comment voulez-vous les diminuer dans ces conditions ? Sans même parler d'arriver à -80% en 2050, ce qui relève en l'état actuel des choses du rêve irréaliste...
Car il faudrait pour cela un véritable bouleversement de civilisation, et il semble que personne ne le souhaite !
Et pendant ce temps... Ça chauffe...
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