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Relaxé en première instance, après une très longue audience où le tribunal avait minutieusement retourné chaque pierre, ne laissant dans l'ombre aucun élément du dossier, j'avais été définitivement blanchi sur le plan pénal.
Le tribunal d'Evreux avait bien travaillé et je rends hommage à la présidente du tribunal d'instance, qui avait pris le soin, en rendant son jugement, de l'assortir d'une longue et nécessaire démonstration pédagogique, afin que les associations harkies comprennent ce jugement et n'en ressentent nulle amertume.
Peine perdue. Interjetant appel devant la cour de Rouen, elles avaient obtenu, après une audience bâclée en vingt minutes par un tribunal qui n'avait qu'entrouvert le dossier, ma condamnation au plan civil et non au plan pénal, pour le préjudice subi.
Depuis ce jour, je souffrais. J'avais le sentiment d'une triple injustice.
Première injustice : voir mon nom - mon honneur - sali par une accusation d'intolérance voire de racisme, alors que j'ai dédié ma vie publique à faire progresser la fraternité et la tolérance entre les hommes. Voir la liberté d'expression des artistes, la liberté d'expression tout menacée par cette décision étonnante, qui donnait raison aux censeurs qui voulaient se faire justice eux-mêmes, par la force, interdire l'expression d'artistes, par la violence.
Deuxième injustice, entendre le nom de Louviers associé à cette opprobre, alors que tant avait été fait par la commune et la municipalité pour mettre au jour et rendre mémoire à la collectivité le drame qu'a collectivement vécu la communauté harkie. Grâce à nos efforts - et ceux du président de l'Entente des associations patriotiques, Louviers est la commune de l'Eure qui a été choisie officiellement pour la commémoration de ce drame historique. Ce n'est pas un hasard.
Ensuite, être personnellement accusé et devoir me justifier alors que, agissant en tant que maire, j'étais venu préserver la tranquillité publique et protéger des artistes face à des manifestants violents. J'avais été jeté à terre, nous avions du protéger la metteure en scène de la violence des manifestants, il y avait eu bousculade et invasion par la force du hall du Moulin. Et c'est moi qui, à ma grande surprise, devais répondre devant un tribunal, parce que je n'avais pas jugé bon d'envenimer l'affaire en portant plainte moi-même...
J'avais
pourtant indiqué aux manifestants qu'ils avaient le droit d'être en
colère et même de manifester pacifiquement, mais que la seule voie
acceptable, le seul débouché à leur colère était de porter l'affaire
devant la justice pour faire interdire cette pièce. Ils avaient été,
bien entendu, déboutés devant la 17ème chambre correctionnelle de Paris.
Je laisse à chacun méditer la phrase qui m'avait valu d'être poursuivi en justice et mis dans la peau d'un délinquant, phrase que j'ai assumée devant le tribunal et qui reste la conclusion de cette affaire : "La liberté d'expression est une valeur fondamentale que ni les excités ni les apprentis dictateurs n'aboliront."
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