L’Édit dit du silence, ou le non-dit de la parole VS l’Union souverainiste

Publié le 06 juillet 2009 par Politicoblogue

Pierre Falardeau - source: canoe.com

Le Devoir-2009 06 29-Réplique à Louis Cornellier – Essais Québécois – Pierre Falardeau et son Elvis -

L’éminent, le respecté et respectable Louis Cornellier qui, au Devoir, participe à notre Connaissance commune en vulgarisateur émérite qu’il est, nous présente et discute les essais québécois d’une manière exceptionnelle. Mais aujourd’hui il se fait Inquisiteur quand il est question de l’artiste-citoyen Pierre Falardeau qu’il soumet à l’écartèlement critique. Falardeau doit être coupé en deux, d’un côté l’artiste-cinéaste, de l’autre l’artiste-citoyen. L’un aura droit de vie éternelle dans nos coeurs, l’autre devra se taire puisqu’il ne discute pas. Je me demande bien, ainsi écartelé comment l’un ou l’autre pourrait vivre sans l’autre et vice-versa ? Mais il semble que cela n’est pas une donnée du supplice de la fonction critique.

« Falardeau ne discute pas ; il se bat. Cette approche n’est pas la mienne. Je crois aux vertus du débat, à l’éthique de la discussion, et je pense que c’est là la seule voie valable et efficace pour aboutir à la souveraineté. » Cet édit de silence sous prétexte d’éthique aura tout un effet : justifier que l’artiste-citoyen se taise, et s’il parle, on ne l’entendra pas, il est disqualifié.

Sous couvert de critique M. Cornellier publie un Édit d’excommunication sans équivoque contre l’artiste-citoyen Falardeau. Et, il n’est pas question seulement de critique. La caution intellectuelle qui manquait aux imposeurs de silence canadianisateurs et souverainistes, par trop apeurés et toujours prompts à tenter de se soustraire à l’effet pervers de l’enfermement sophistique canadianisateur, abondant avec empressement dans le blâme, c’est Louis Cornellier qui la leur procure. L’analyste qui décortique la pensée des autres pour notre plus grand plaisir publie ici une schizophrène encyclique. D’un côté, l’artiste-cinéaste a droit de cité, mais l’artiste-citoyen est disqualifié. Il est catalogué excentrique au cercle de l’éthique discursive. Ce n’est pas rien !

Caractéristique représentation d’une société qui n’admet l’artiste qu’en tant qu’autre, distinct du monde réel avec statut particulier, mais soumis au silence si sa parole n’est pas « éthique ».

« Le problème avec la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres. » Léo Ferré

Nous n’aurions que des adversaires qu’il nous faut convaincre, nous dit Louis Cornellier. Nous n’aurions pas d’ennemis !? Se battre contre des ennemis, allons donc ! Vous n’y pensez pas ! Or, si les fédéralistes-rénovateurs, si les autonomistes, doivent convenir que le Canada actuel, jamais nommément soumis aux voix du peuple, n’a pas obtenu le OUI clair qui validerait son actuelle illégitime légalité ; s’il nous faut discuter avec eux pour emporter leur adhésion à la répudiation de tel État abusif du Canada du statu quo de blocage actuel ; s’il nous faut discuter pour fonder un État valide qui émane du peuple souverain du Québec et des voix souveraines librement exprimées hors toutes menaces et manipulations commanditaires ; s’il nous faut discuter avec celles et ceux qui dénoncent cet enfermement canadian et souhaitent un État respectueux des Québécois, il n’empêche et il faut admettre que nous faisons aussi face à des partisans canadianisateurs qui s’imposent de force et d’autorité sans discussion. Aucune discussion n’est à leurs yeux valide. Que faire face à cet édit de silence sinon se battre ? N’est-ce pas ce que fait Pierre Falardeau ? Et il faudrait l’excommunier parce qu’il prend acte du refus de discuter de cet État unilatéral impérial d’une minorité activiste occulte canadianisatrice ?

Basta l’asymétrique morale canadianisatrice à géométrie variable du « Faites ce que je dis et non ce que je fais ! »

Il faudrait commodément admirer l’artiste et espérer le silence de l’artiste-citoyen sous prétexte de respecter une éthique bafouée sans gêne par des « adversaires » qui sont en fait l’ennemi des voix du peuple que nous sommes, s’imposant d’Autorité sans elles, sans les convier à la table ? Vraiment !?

« La légitimité est notre seule force » nous dit M. Cornellier. Certes, mais en quoi Falardeau démérite-t-il à cet égard ? Falardeau nous dit que nous n’avons pas que des adversaires, nous avons aussi des ennemis. Quel est le problème ? M. Cornellier nous dit, discutons avec nos adversaires. Soit ! Falardeau dit : combattons nos ennemis. Soit ! Quel est le problème éthique qui disqualifierait sa parole citoyenne ?

S’il en est un – et il est assurément éthique – c’est ce refus hautain de la discussion d’égal à égal. L’Autorité c’est l’État du Canada impérial, pas le peuple souverain, nous disent les canadianisateurs.

« Oh ! Vous pouvez vous exprimer, mais ça ne nous intéresse pas. Vous pouvez protester, faire des pétitions, nous vous avons donné la démocratie pour ça, mais on ne vous écoute pas, on ne vous écoutera pas. Tout a été dit. Tout ça traîne en longueur du reste. Et vos voix, elles ne comptent pas. On ne les appellera pas à valider le Canada. Il se valide tout seul et sans elles, fort bien et sans réel problème.. Par contre, pas question de réciprocité. L’État souverain, lui, doit être sujet d’éternelles discussions et émaner de vos voix sous toutes menaces de représailles que l’on voudra proférer contre vous, contre votre économie, contre votre territoire national, licence complète et dépenses commanditaires à l’avenant au mépris de vos lois. La LOI, c’est nous. Pendant ce temps, si vous ne vous entendez pas sur ce qu’il vous faut faire, sur ce que vous voulez, tant mieux. Tant et aussi longtemps que vous ne vous entendrez pas sur ce que vous ne voulez pas, à savoir le Canada que vous répudiez majoritairement, il s’imposera par force d’inertie et sous les menaces. Mais… vous êtes libres de vous exprimer… et surtout, surtout, n’oubliez pas « l’éthique de la discussion », comme le dit l’un des vôtres… »

Cause toujours !

L’autocratie c’est ferme ta gueule ! La démocratie c’est cause toujours ! Quelle est la différence ?

Cela dit, comme M. Cornellier, je n’adhère pas pour autant à tout ce que nous dit, ni au comment il le dit, de Pierre Falardeau, mais contre Louis Cornellier, je dis que l’artiste-citoyen a raison de nous dire que nous n’avons pas que des adversaires, nous avons aussi des ennemis. Quel est le problème éthique ?

La problématique elle, n’est-elle pas de nous couper de schizophrène division qui nous fait nous entre-excommunier à qui mieux mieux ? Si Falardeau y succombe, celle de Cornellier vaut-elle mieux ? Ne nous faut-il pas plutôt faire l’union de ce que nous sommes dans la complémentarité et non dans l’exclusion ? Ne suffirait-il pas d’admettre qu’il nous faut faire les distinctions qui s’imposent, à savoir, discuter avec nos adversaires, soit, mais aussi et pourquoi pas, admettre qu’il faille combattre nos ennemis, ensemble et vice-versa. Et, s’il faut absolument se séparer, que d’aucuns discutent avec nos adversaires, mais qu’ils cessent de prétendre qu’il faille le faire aussi avec nos ennemis, qui, eux, ne veulent rien savoir. Que d’autres combattent nos ennemis soit, mais qu’ils admettent qu’il faille discuter aussi avec nos adversaires, pas les combattre. Mais est-ce vraiment ça que nous dit Falardeau ?

Hors l’excommunion, il y a l’union. Falardeau et Cornellier ont tous deux raison. Il faut discuter avec nos adversaires ETcombattre nos ennemis. Je ne vois pas pourquoi ces deux-là ne pourraient pas s’entendre là-dessus, si chacun s’intéressait à entendre ce que l’autre a à dire, édit d’éthique bafouée en moins, peut-être pourrions nous la faire cette union qui s’impose.

En attendant, qui gagne ? Nos ennemis du statu quo de blocage canadianisateurs. Qui perd ? Les fédéralistes-rénovateurs, les autonomistes et les souverainistes, en somme, le peuple souverain du Québec qui n’attend, pour faire l’union qu’il espère, que l’union de nos élites souverainistes. Louis Cornellier ferait bien d’y participer autrement qu’en nous faisant part de son énervement. Il devrait accepter de discuter… Ce que ses édits de schizophrène ex-éthisation ne le favorisent pas vraiment ! Beaucoup s’en faut !

Luc Archambault

Peintre, sculpteur, performeur, céramiste et… citoyen