Après s’être déclaré compétent jusqu’à la fin de l’année 2008, le Tribunal de Commerce de Paris a fait « marche arrière » et se déclare désormais incompétent pour connaître des litiges relatifs à la contrefaçon de droits d’auteur (Jugement du 13 mai 2009).
Ce Jugement intervient au moment où les professionnels de la propriété intellectuel doivent faire face à une loi qui fixe la compétence exclusive en matière de droits d’auteurs de certains tribunaux de grande instance nommés par décret ; ce décret n’étant toujours pas publié, ce qui pose la question de l’application de la loi.
Pourtant, ce changement radical de position ne s’explique pas par la publication du fameux décret d’application de la loi du 4 août 2008 fixant la liste des Tribunaux de Grande Instance compétents pour connaître de ce type de litige, mais par une prise de position de la Cour d’appel de Paris qui a accueilli le contredit formé à l’encontre du Jugement rendu par le Tribunal de Commerce le 6 novembre 2008 et a réformé ce jugement par lequel le Tribunal de Commerce s’était déclaré compétent.
La Cour a ainsi considéré « qu’il résulte des dispositions de la loi n° 2007-1544 du 29 octobre 2007 et des dispositions à caractère interprétatif de l’article 135 de la loi n° 2008-776 du 4 août 2008 que, depuis le 31 octobre 2007, lendemain de la publication au Journal Officiel de la première de ces deux lois, les Tribunaux de Grande instance sont compétents pour connaître de façon exclusive des actions visées par les articles L 331-1, L 521- 3-1 et L 716-3 du Code de la propriété intellectuelle peu important que le décret désignant les Tribunaux de grande instance appelés à connaître de ces actions n’ait toujours pas été publié dès lors que chaque tribunal de grande instance demeure compétent pour en connaître dans son ressort jusqu’à publication du décret ».
Le Tribunal de Commerce se plie à cette interprétation dans une affaire où le Groupe TF1 avait assigné devant le Tribunal de Commerce l’éditeur du site Youtube pour avoir mis en ligne, sans son autorisation, des contenus d’œuvres sur lesquelles il détient les droits d’exploitation.
TF1 est donc débouté de son action ; l’affaire étant renvoyée au Tribunal de Grande Instance de Paris
Ce revirement de jurisprudence est aussi soudain que discutable et les titulaires de droits de propriété intellectuelle victimes de la violation de leur droit se trouvent injustement confrontée à une nouvelle insécurité juridique créée de toutes pièces par le législateur et le pouvoir réglementaire qui tarde à publier le décret d’application attendu de tous.
Par ailleurs, cette insécurité juridique est renforcée par le fait que selon le lieu où l’on se trouve en France, les tribunaux de Commerce et les Tribunaux de Grande Instance se déclarent tour à tour compétents ou incompétents. Ainsi, par exemple, dans une affaire de droit d’auteur, le Tribunal de Grande Instance de Nanterre se serait déjà déclaré incompétent au profit du Tribunal de Commerce, estimant que jusqu’à la publication du décret désignant les tribunaux compétents pour connaître de ces affaires, le Tribunal de commerce était compétent.
A notre sens, jusqu’à la publication du Décret, les deux juridictions de droit commun - Tribunal de Commerce et Tribunal de Grande Instance - devraient rester compétents pour connaître des litiges de contrefaçon de droit d’auteur. Toutefois, à Paris, il convient désormais de privilégier une action devant le Tribunal de Grande Instance de Paris, dont la troisième Chambre spécialisée en propriété intellectuelle s’est vue dotée d’une nouvelle Section pour connaître de l’afflux de litiges en provenance du Tribunal de Commerce.
Référence :
Tribunal de Commerce de Paris, 13 Mai 2009, TF1 et autres c/ Youtube, disponible sur le site www.legalis.net - voir le document