François Fillon aborde enfin la question des institutions.
FF : J'pense que, face à la crise qu'on rencontre, le maître mot c'est l'unité nationale. On a besoin d'unité au sein de l'exécutif (elle serait donc menacée ?), on a besoin d'unité au sein de la majorité (elle aussi ?), mais on a surtout besoin d'unité avec tous les Français ( pourquoi s’évertue-t-on alors depuis deux ans à les diviser ?) pour faire face à une crise qui est une crise comme on n'en a jamais connu et pour lesquelles aucune des solutions précédentes ne peut être appliquée.
David Pujadas demande alors s’il n’y a pas effacement du Premier ministre.
FF : D'abord, j'vais vous dire, j'pense qu'c'est un débat qui intéresse trois cents personnes à Paris (il a grand tort, ce sujet n’est pas limité à on ne sait quel microcosme parisien, entendez élitiste, constitutionnaliste, coupé des masses ; il concerne aussi des milliers de citoyens dans la France entière. On a même vu un grand homme d’Etat français - avec un adjectif grand pour une fois non usurpé - estimer que ces problèmes constitutionnels intéressaient suffisamment les Français pour qu’on les consultât par référendum à leur sujet). Est-ce que vous pensez un seul instant que les Français attendent que le Premier ministre s'oppose au Président de la République ?
DP : S'oppose, pas forcément, mais décide autant que lui
FF : Pour le reste, vous ne savez pas, naturellement, pour les décisions qui ont été prises, ce qui revient au Président et au Premier ministre, j'peux vous dire que la Constitution est parfaitement respectée. Moi, j'ai en charge, c’est l'article 21 de la Constitution, la conduite du gouvernement et ce gouvernement y met en œuvre une politique qui est celle que le Président de la République a présentée aux Français (faux, archi-faux : l’article 21 stipule que le Premier ministre dirige l’action du gouvernement, exactement comme un Directeur indique à son chauffeur, celui qui conduit sa voiture, la direction à prendre. Et le Gouvernement n’accomplit pas le projet du candidat élu à la Présidence, non, selon l’article 20 de la même Constitution, il détermine la politique, c’est-à-dire qu’il la définit à tout instant, sans se référer à un texte qui, bien qu’écrit nulle part, serait malgré tout gravé dans on ne sait quel marbre pour cinq ans), comme c'est lui qui a été candidat devant les Français, c'est ce projet politique que je mets en œuvre ( la Constitution n’indique nulle part que le Président de la République a en charge la réalisation d’un projet. Son article 5 stipule qu’il « veille au respect de la Constitution. Il assure par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l’Etat ». Selon moi, la continuité interdit la rupture tout comme l’arbitrage exclut toute participation à des réunions de quelque parti que ce soit).
DP : Vous ne rongez pas votre frein ?
FF : Je ne ronge pas mon frein pour la bonne raison que je mets en œuvre un projet politique auquel j'adhère. Si je n'adhérais pas au projet politique du Président de la République, je m'en irais parce qu'il n'y a pas de place dans notre système institutionnel pour un Premier ministre qui aurait la volonté de conduire une politique différente, ( de nouveau faux, archi-faux, la réduction du mandat présidentiel à cinq ans ainsi que l’aléatoire inversion du calendrier des élections présidentielle et législatives ont pu changer la pratique des institutions, mais elles n’instituent pas la prééminence du Président sur le Premier ministre. Il suffirait d’une dissolution de l’Assemblée ou du décès du Président en cours d’exercice pour faire à nouveau apparaître l’ombre d’une cohabitation. Et chacune des trois cohabitations chaudes – Chirac puis Balladur avec Mitterrand, Jospin avec Chirac – a bien montré qui alors déterminait et conduisait la politique de la Nation) même si c'est à la marge, de la politique du Président de la République.