Livre “Influence et Manipulation” de Robert Cialdini

Publié le 05 juillet 2009 par Frederic Canevet @conseilsmkg

ConseilsMarketing.fr a le plaisir d’accueillir comme chaque mois Olivier Roland, animateur des blogs “Des livres pour Changer de Vie” et “Habitudes Zen”.
Olivier s’est lancé le défi de lire 52 livres fondamentaux en marketing et en management en 1 an, et nous en faire le compte rendu.

Dans cet article Olivier nous présent le livre “Influence et Manipulation” de Robert Cialdini qui décrypte nos comportements “innés”qui se transforment en failles à exploiter pour les vendeurs et les marketeurs…

Si l’on veut résumer ce livre, voici ce qu’il faut retenir : en tant qu’êtres humains, nous réagissons souvent automatiquement à certains événements, car réfléchir posément à chaque action que nous faisons coûterait trop en temps et en ressources.

Hors si dans la majorité des cas ces comportements automatiques ont leurs avantages, ils peuvent être détournés par des personnes averties désirant les exploiter pour nous manipuler. Ce livre décortique ces comportements et ces techniques pour nous aider à nous en prémunir.

Idées phares du livre “Influence et Manipulation”

Robert Cialdini est un chercheur en psychologie sociale à l’université de l’Arizona.

Pour étudier la psychologie de la persuasion il a passé trois ans à s’introduire incognito dans des groupes reconnus comme maîtres dans l’art de persuader :
- vendeurs d’automobiles
- démarcheurs en porte à porte
- entreprises de télémarketing
- associations caritatives
- …

Il nous relate les fruits de ses expériences et des ses recherches dans son livre tourné vers le grand public.

Dans son livre il donne l’anecdote d’une de ses amies, bijoutière, l’a appelé un jour pour tenter de comprendre un fait inexplicable : désespérant de réussir à vendre des bijoux de turquoise, elle avait laissé un mot à une de ses vendeuses disant « tout ce présentoir, prix x 1/2″, puis elle est partie en tournée d’achats.


A son retour quelques jours plus tard, le présentoir était vide
: tous les bijoux étaient partis. Satisfaite de s’être débarrassé de ce stock encombrant, elle s’apprêtait à calculer le montant de ses pertes quand elle s’aperçut d’un fait hautement surprenant : la vendeuse s’était trompée et avait lu « tout ce présentoir, prix x 2″, et tous les bijoux étaient partis en un rien de temps au double de leur prix.
Pour lui expliquer ce phénomène, Robert Cialdini lui raconta une expérience scientifique concernant des mères dindes :
Les dindes sont de bonnes mères qui s’occupent avec dévouement de leurs petits. Mais leur comportement maternel semble dirigé par une seule chose : le « tchip-tchip» émis par les poussins dindonneaux. Si le poussin émet un « tchip-tchip» , sa mère s’en occupera, sinon elle s’en désintéressera ou même le tuera.

Ainsi, un chercheur a démontré de façon spectaculaire l’importance de ce facteur avec une expérience mettant en jeu l’ennemi naturel de la dinde : le putois.
A son approche, la dinde devient furieuse, crie et l’attaque avec son bec et ses griffes. Même un putois empaillé tiré par une ficelle déclenche une attaque.
Sauf dans un cas : si l’on place un magnétophone faisant « tchip-tchip» dans le putois. Dans ce cas la dinde est tout à fait pacifique avec le putois, et le prend même sous son aile. Mais dès que l’on arrête le magnétophone, elle l’attaque comme à son habitude..

Ce genre de comportement n’est pas rare dans le monde animal : chez un grand nombre d’espèces existent des schémas de comportement réguliers et purement mécaniques.
ll est facile de nous moquer du caractère automatique du comportement de la dinde et des autres animaux, mais ce serait oublier deux choses. Tout d’abord, les schémas automatiques pré-établis sont très efficaces dans la majorité des cas.

Par exemple, le tchip-tchip des dindonneaux est un excellent indicateur de leur santé et de leur robustesse, et donc le fait que la dinde ne s’occupe que de ceux qui l’émette est parfaitement logique du point de vue de l’évolution : elle consacre ainsi davantage de temps et de ressources à la progéniture qui a le plus de chances de survivre… Et elle ne rencontre pas souvent de putois avec des magnétophones dans la nature.
Ensuite, il est important de comprendre que nous êtres humains avons aussi nos propres comportement innés, qui nous font adopter des comportements sans que nous y pensions en face d’un stimuli défini.


La chercheuse en psychologie sociale Ellen Langer a ainsi mis en évidence une forme d’action automatique humaine à travers une expérience simple, visant à prouver l’existence d’un principe humain bien connu, qui est que, pour obtenir quelque chose, il est préférable de fournir une raison.
L’expérience était la suivante : quelqu’un s’avançait vers une photocopieuse dans une bibliothèque et demandait à la file de personnes qui attendaient si elle pouvait passer devant eux dans la file d’attente.

- CAS 1 : « Pardon, je n’ai que cinq pages. Est-ce que je peux prendre la machine, parce que je suis pressé ?» . 94% des personnes acceptaient.

- CAS 2 « Pardon, je n’ai que cinq pages. Est-ce que je peux prendre la machine ?» . Dans ce cas seuls 60% des personnes accédaient à la requête.

On pourrait croire que les 34% d’efficacité supplémentaires venaient de la raison « parce que je suis pressé» . Mais pas du tout…. la preuve avec le CAS 3…

- CAS 3 : « Pardon, je n’ai que cinq pages. Est-ce que je peux prendre la machine, parce qu’il faut que je fasse des photocopies ?». Cette raison n’en est pas une, et n’apporte aucune information complémentaire. Pourtant 93% des personnes acceptèrent.

Comme le « tchip-tchip» des dindonneaux déclenche une réaction maternelle automatique chez la dinde, « parce que» déclenchait une acceptation automatique chez les sujets de l’expérience, même si on leur donnait aucune véritable raison. Clic !
Ce mécanisme est également à l’oeuvre pour expliquer le comportement des clients qui se sont rués sur les bijoux de turquoise au prix doublé : ces clients étaient des vacanciers aisés – les produits étaient des bijoux indiens – qui n’y connaissaient rien en matière de turquoise et qui avaient recours à un principe reconnu pour guider leurs achats : « cher = de bonne qualité» .

Ainsi, voulant de la bonne qualité, ils trouvaient nettement plus désirables et précieux les bijoux se distinguant par une haute valeur.
Cela peut sembler être une décision d’achat inconsidérée, mais l’on peut dire qu’en règle générale, un prix élevé est l’indice d’une qualité élevée, principe qui les avaient bien servis jusqu’à présent. Mais, sans qu’ils en soient conscients, en se reposant uniquement sur la caractéristique « prix» , ils faisaient une sorte de pari.

Plutôt que de chercher à maîtriser tous les éléments indicatifs qui leur auraient permis de déterminer la valeur des bijoux – un investissement coûteux en temps – ils avaient associés de manière automatique la haute qualité avec un haut prix. Clic.

Sur le coup cela peut sembler être une mauvaise association, mais à long terme ce genre de pari représente peut-être la meilleure approche en terme de ressources investies/bénéfices obtenus.
Ainsi, les comportements automatiques humains sont très fréquents, et les personnes en ayant repérés peuvent en tirer parti pour arriver à obtenir quelque chose de nous sans que nous ne nous y opposions.

Et il y a des personnes qui excellent à détecter et comprendre ces mécanismes et à en tirer parti. L’auteur décortique six grands principes sous-jacents aux principaux automatismes humains, et la manière dont ils sont utilisés pour manipuler et influencer.

6 comportement innés chez les êtres humains


1 - La Réciprocité ou donnant-donnant

La règle est qu’il faut s’efforcer de payer de retour les avantages reçus d’autrui.
Si quelqu’un nous rend service, nous lui devons un service en retou
r. Il est considéré comme normal que le fait de recevoir créé une dette ; d’où le double sens que prend le mot « obligé» dans un grand nombre de langues.

Chacun de nous connaît la règle et connaît les sanctions sociales qui frappent ceux qui ne la suivent pas : on les appelle des ingrats, profiteurs, égoïstes, resquilleurs. Comme ceux qui prennent sans se donner la peine de donner en retour risquent la réprobation générale, nous sommes prêts à tout pour éviter que l’on nous classent dans cette catégorie. C’est sur ce point que nous pouvons nous faire prendre au piège d’individus qui cherchent à profiter de notre sentiment d’obligation.

2 -  L’Engagement et la Cohérence
Le désir de cohérence est une motivation forte car dans la majorité des cas la cohérence est valorisée.
L’inconséquence est ainsi considérée généralement comme un défaut : la femme qui change sans cesse d’avis est traitée de capricieuse ou de cervelle d’oiseau, tandis que l’homme qui se laisse facilement influencer est un faible, incapable de se tenir à ses décisions.

De plus, quelqu’un dont les opinions, paroles et actes ne concordent pas peut être considéré comme incohérent, hypocrite ou même déséquilibré, alors qu’une cohérence sans faille est souvent associée avec l’intelligence et la force de caractère. Et c’est la cohérence qui fonde la logique, la rationalité, la stabilité et l’honnêteté.

Nous pouvons donc comprendre pourquoi le fait de paraître cohérent aux yeux des autres et à nous-mêmes est un avantage et dans notre intérêt social, mais ainsi nous prenons souvent trop aisément l’habitude d’être systématiquement cohérents, même quand cela n’est pas raisonnable.

3 - La preuve sociale
Nous utilisons la preuve sociale comme un de moyens pour déterminer ce qui est bien ou non, ce qui doit être fait ou non.

Ainsi nous jugeons qu’un comportement est plus approprié à une circonstance particulière si nous voyons d’autres personnes l’adopter – et particulièrement si nous nous demandons quel comportement adopter à ce moment : par exemple, que dois-je faire de cet emballage de pop-corn vide après une séance de cinéma, quelle vitesse dois-je adopter sur cette autoroute, comment manger mon poulet lors d’un dîner, etc.

En général, cette tendance à croire qu’un comportement est approprié à partir du moment où d’autres l’adoptent produit de bons résultats. Comme les autres principes des armes d’influence, la preuve sociale représente un raccourci commode, mais elle rend par la même occasion vulnérables aux profiteurs ceux qui l’empruntent.

Ainsi l’exemple de la dinde et du putois vu au début de cette chronique illustre parfaitement l’effet produit par les rires préenregistré sur le spectateur moyen dans des séries et émissions bas de gamme : nous sommes si accoutumés à considérer le rire de nos semblables comme la preuve d’une qualité comique que, comme la dinde, nous réagissons au stimulus sonore et non à la réalité des choses.

Les responsables de télévision exploitent notre goût des raccourcis, notre tendance à réagir automatiquement sur la base d’indices insuffisants. Ils savent ce que leurs enregistrements déclenchent en nous. Clic !

4 -  La sympathie
Un des plus beaux exemples depuis plus d’un demi-siècle, c’est la marque Tupperware qui connaît un succès énorme.
Ce sont pourtant de simples boîtes en plastique qui ne se vendaient pas du tout en magasin. Leur secret ? Les ventes se font chez une hôtesse, qui invite ses amies et qui, si elle ne parle pas forcément des produits, reste la maîtresse de maison, entretenant la conversation et servant des rafraîchissements. La sollicitation vient ainsi d’une amie qui réunit d’autres amies chez elle, et qui, toutes le savent, gagne une commission sur chacune des ventes.

Ainsi en donnant à l’hôtesse une commission sur les ventes, la société Tupperware fait en sorte que les clients achètent à une amie, pas à un vendeur inconnu. Ainsi toutes les connotations de chaleur, de plaisir, de sécurité et d’obligation que comporte la relation d’amitié vient se greffer à la vente.

Cette utilisation de la sympathie ne se limite pas à cette seule société : ainsi nombreux sont les associations caricatives qui encouragent leurs bénévoles à prospecter dans leur entourage – il est beaucoup plus difficile de refuser d’apporter sa contribution quand c’est un ami ou un voisin qui vous le demande. Et les vendeurs connaissent pour la plupart ce truc consistant à se faire recommander un prospect par un de ses amis : cela facilite beaucoup leur processus de vente.

5-  L’autorité
Les personnes sont puissamment motivées à se soumettre à une autorité considérée comme légitime, et ce n’est pas sans raison. Du point de vue de l’organisation sociale, un système d’autorité hiérarchisé et largement acceptée comporte de nombreux avantages, et nous apprenons depuis notre naissance que l’obéissance aux autorités compétentes est louable et la désobéissance condamnable.
Ce message primordial est contenu dans les injonctions de nos parents, les chansons et comptines que nous apprenons, les histoires que l’on nous lit, et est relayé dans notre vie d’adulte par les systèmes judiciaires, militaires et politiques. La religion contribue également à implanter ce respect pour l’autorité, notamment les trois grandes religions monothéistes.

En général la soumission à l’autorité a de vrais avantages pratiques, car elles nous évitent de nombreux ennuis et nous permet de suivre l’apprentissage ou les conseils de personnes qui en savent plus que nous.
Ainsi les figures d’autorité que sont les employeurs, les supérieurs, les juges, les chefs politiques… sont respectés car leur position élevée implique un accès à des informations privilégiées, un pouvoir supérieur, le fait qu’ils distribuent récompenses et punitions et aussi la reconnaissance implicite ou explicite d’une sagesse et de talents certains qui les ont fait arriver à cette place.

Puisque nous savons que notre obéissance à l’autorité est généralement profitable, il nous est facile de céder aux facilités de l’obéissance automatique. Comme pour les autres armes d’influence, son danger, qui est en même temps son avantage, est son caractère automatique : à nouveau, plus besoin de penser, donc nous ne pensons pas.

6 - La rareté
L’idée de perte potentielle joue un rôle considérable dans la prise de décision.

Nous semblons en fait plus motivés par la crainte de perdre quelque chose que par la perspective d’en gagner une autre, à valeur égale. D’innombrables exemples le montrent : ainsi les propriétaires à qui on indique le coût d’une isolation inadéquate de leur maison sont plus susceptibles d’effectuer des travaux nécessaires que ceux qu’on informe des économies qu’ils peuvent en tirer.
Et les collectionneurs attribuent d’autant plus de valeur à une pièce qu’elle est rare et introuvable.

Ce principe de rareté est si puissant sur la valeur que nous attribuons aux choses que les professionnels de la persuasion l’utilisent depuis longtemps. La tactique la plus évidente est celle de la « quantité limitée» .
L’information selon laquelle l’approvisionnement futur du produit n’est pas garanti induit un sentiment de peur qui pousse à l’achat.
Une variante est le délai : le commerçant qui annonce à grand renfort de publicité qu’une promotion a lieu de telle date à telle date, ou qu’un produit ne sera disponible que jusqu’à une date limite.

Critique du livre

Le contenu de ce livre est absolument excellent, présenté de manière simple, concise, percutante, illustrée de nombreuses histoires et études scientifiques qui permettent de bien saisir les concepts évoqués, et aborde 7 armes de persuasion dans un large panorama de techniques et théories en tout genre.
L’auteur, un scientifique reconnu, réussit le pari d’être à la fois accessible et grand public – il ne s’enfonce jamais dans le jargon lénifiant – et de distiller des connaissances de haut niveau et appuyées par de solides études scientifiques, citées tout au long du livre.

Son expérience personnelle est d’ailleurs loin de se cantonner aux laboratoires puisqu’il a vécu de l’intérieur de nombreuses formations de vente, séminaires, conférences religieuses, collectes de fond, etc. pendant des années.

Chose extrêmement rare dans un livre de ce genre, il laisse également transparaître sa personnalité et ses faiblesses d’humain au travers d’anecdotes personnelles – en relation avec le sujet traité – qu’il nous raconte, ce qui achève de donner une forme appréciable et parfois même humoristique à ce livre.
Sur le contenu, sa lecture ne pourra qu’augmenter votre conscience de nombreux mécanismes qui nous influencent sans que nous nous en rendions compte, augmentant du même coup automatiquement votre cercle d’influence, votre conscience de vous-même et votre liberté d’action.

Tout comme le Petit traité de manipulation à l’usage des honnêtes gens – qui lui se focalise davantage sur la cohérence et l’engagement - la lecture du livre “Influence et Manipulation” vous dotera automatiquement d’une protection avancée contre les manipulations, que vous repérerez beaucoup plus facilement, ce qui vous permettra de choisir de manière plus rationnelle les réponses que vous leur apporterez.
Bien que l’auteur ait conçu son livre comme un manuel de défense – et qu’il hait viscéralement toute forme de manipulation comme cela transparaît dans ses anecdotes – il constitue également un must-have pour tout commerçant, marketeur, chef d’entreprise, publicitaire, bref toute personne désireuse de vendre des produits ou services et soucieux de comprendre certains mécanismes de la prise de décision humaine.

Comme pour de nombreuses connaissances, elles pourront être utilisées comme des armes ou des outils, et la nuance parfois subtile entre les deux sera liée à l’éthique que vous vous serez fixé.
Au chapitre des défauts, il faut signaler que l’âge de la première édition (1983) se fait sentir, et que la plupart des exemples, histoires et études scientifiques s’étalent des années 50 à 70.

C’est néanmoins un défaut mineur, et la nature humaine restant la même, il me semble peu probable que ces exemples soient moins pertinents aujourd’hui qu’ils ne l’étaient il y a quelques années.
Je recommande donc ce livre. C’est un must have, complet, pertinent, passionnant et très facile à lire. Une perle !
Points forts :
• Large panorama des techniques de persuasion
• Facile à lire
• Complet, pertinent, passionnant
• Un véritable manuel de défense contre la manipulation
• Et un excellent recueil pour tous ceux désireux de promouvoir un produit ou un service
Points faibles :
• Exemples un peu vieillots
Ma note : 5 / 5