Voici un papier trouvé sur goodplanet.info, dans lequel Bernard Barraqué, Directeur de recherches au CNRS, parle du droit à l’eau, sujet passionnant à l’origine de nombreuses discussions et contreverses entre les acteurs qui composent la communauté de l’eau.
"Une problématique commune finit par réunir pays développés et pays en développement dans la question du droit à l’eau : certains voudraient que l’accès à l’eau fasse partie des droits de l’homme les plus fondamentaux, et qu’on complète la déclaration des Nations Unies de 1948 dans ce sens. Mais ce dossier avance lentement.
Citons Sylvie Paquerot : « En premier lieu, le droit d'accès à l'eau potable ne figure pas dans les instruments généraux du droit (la DUDH et les Pactes internationaux). Récemment, la Commission des droits de l'homme s'est emparée du thème de l'eau à travers son rapporteur spécial sur le droit à l'alimentation. Celui-ci a réalisé un rapport en 1998 sur le droit d'accès à l'eau potable et l'assainissement. Par la suite (2001) ce sujet est devenu l'un de ses mandats. Jean Ziegler a également présenté à l'ONU un rapport sur le lien entre privatisation, intervention des multinationales et mise en œuvre du droit d'accès à l'eau.
Tout ceci constitue un travail interne à la Commission des droits de l'homme. Au niveau juridique, par contre, on retrouve des allusions au droit à l'eau dans trois textes :
Eaux municipales
Le droit à une eau potable est reconnu dans de nombreuses conventions internationales (voir fiche). En France, la desserte en eau potable est un service public dont la compétence revient aux municipalités, ces dernières peuvent l’assurer elles-mêmes ou le déléguer à un prestataire. La continuité du service, l’égalité de traitement des usagers, la transparence et l’équilibre financier font partie des exigences de ce service. De plus, des lois successives ont reconnu le droit à l’eau comme un service nécessaire pour les plus démunis, ces textes ont mis en place des mesures d’aide comme la prise en charge d’une part de la facture d’eau.
• Convention sur l'élimination de toute discrimination à l'égard des femmes (79), art.14 ;
• Convention relative aux droits de l'enfant (89), art.24 ;
La référence plus ou moins explicite à un droit d'accès à l'eau dans ces deux textes n'en fait pas, pour les États, un droit universel. Les États considèrent que l'on ne peut partir d'un corpus particulier pour en déduire qu'il est partie du corpus universel.
• Protocole de Genève (Droit humanitaire) qui oblige à une protection du droit d'accès à l'eau en cas de guerre. On peut considérer que ce devrait être le cas, a fortiori, en temps de paix ! »
En pratique : quelles formules d’aide aux plus démunis ?
Si, au niveau international, le droit à l’eau n’est pas reconnu comme un droit de l’homme, certains pays ont été plus loin. En France, par exemple, suite au travail de réflexion conduite par l’Académie de l’Eau, et notamment par l’un de ses membres, Henry Smets , la Commission Consultative des Droits de l’Homme en a adopté le principe. Et la loi sur l’eau et les milieux aquatiques du 30 décembre 2006 reconnaît explicitement le droit à l’eau pour tous. Cette même organisation a fait adopter une déclaration sur le droit à l’eau au Forum Mondial de l’Eau de Mexico en 2006.
L’Afrique du Sud a été plus loin encore, non seulement en inscrivant ce droit dans la Constitution, mais en le matérialisant dans l’offre d’un volume gratuit d’eau pour chaque abonné (6 m3/mois, soit 200 litres par jour). On rentre là dans la question de la mise en œuvre pratique du droit à l’eau. Dans de nombreux pays en développement ainsi que dans les pays méditerranéens d’Europe, on pratique couramment la tarification par blocs croissants dont le volume initial gratuit est une des formes possibles. L’idée c’est que tout citoyen doit payer l’eau mais que les plus démunis doivent être systématiquement aidés (et non pas seulement ceux qui demandent explicitement de ne pas payer). En Afrique du Sud, du temps de l’apartheid, l’eau potable arrivait gratuitement aux bornes fontaines dans les townships. L’ANC au pouvoir a voulu généraliser la desserte par immeuble mais en demandant une contribution à tous. D’où la compensation par les volumes gratuits. Dans cet exemple comme dans beaucoup d’autres, on a pensé que la tarification par blocs croissants permettait d’atteindre à la fois un objectif d’efficacité économique (encourager un usage optimal de l’eau), et un objectif de justice sociale.
Dans ces conditions, le débat sur la mise en œuvre du droit à l’eau est tout aussi riche que celui sur le droit lui-même et il manque encore beaucoup d’études sociologiques pour pouvoir le trancher. En attendant, certains pensent qu’aider directement les plus démunis à payer leur eau est trop onéreux et qu’il vaut mieux les aider en général. D’autres pensent que si l’on continuait à financer le développement des services publics à partir des impôts locaux ou nationaux, cela aurait un effet redistributif (les riches payant des taxes d’habitation plus élevées), tout en abaissant le prix de l’eau en général. Mais il est assez évident que les mesures les plus appropriées seront différentes entre pays où les raccordements sont achevés et les autres, mais aussi presque au cas par cas, en fonction de la démographie, de la densité de population, des ressources disponibles, etc."
(Texte Bernard Barraqué - Centre international de recherche sur l'environnement et le développement (CIRED) – Nogent sur Marne (CNRS))
Voir ici quelques papiers surle droit à l’eau
Et les compte rendus du forum mondial de l’eau