Le nouvel Observateur est un journal de gauche. Il paraît. Probablement la gauche de 2009, celle de J.Lang, de M.Valls, de M.Hirsch ou de D.Olivennes. La gauche du champ de ruines, du paysage de guerre où quelques factions continuent sporadiquement le combat, claquemurées dans des édifices croulants. Le sarkozysme se paye de trophées, comme Persée exhibant la méduse, il veut tétaniser ses contemplateurs. Bien aidé par la presse hexagonale, exsangue, qui perpétue sa longue dévotion aux dominants. Là où les précepteurs de droite font de la propagande, ceux de gauche font de la pédagogie.
Il est aussi le boutiquier d’un canard qui clame sa foi en la sociale démocratie. Celle qui faillit depuis plus de 30 ans face au néo-libéralisme triomphant, dont le sarkozysme est un énième ersatz. Stérile dans le combat des idées, le fanzine de Perdriel rallie les causes gagnées. En interviewant N.Sarkozy pendant deux heures, en lui posant des questions perches tiédasses, le kapo du net accompagne le travail de communication de l’Élysée.
Le président de la France est un inculte notoire. Une opération “vernissage” est montée depuis des semaines pour donner un cachet culturel à ce mandat plus karaoké que Vivaldi. La presse hebdomadaire sort sa brosse à reluire. L’Express se fend d’un numéro spécial “cirage de pompes” dont l’objectif ne laisse aucun doute. On y découvre l’ami de C.Clavier contempler des chefs-d’œuvre du Louvre (un E.Delacroix). 500 000 exemplaires seront disséminés en France. Il paraîtrait que le Président lit E.Zola. Il s’avère qu’il consulte seulement des fiches. Qu’il assimile mal. Clou, il nommera, pour remplacer l’abyssale C.Albanelle, le neveu d’un président de gauche érudit. La séquence est limpide. Dans la perspective d’une réélection en 2012, il veut endosser le costume du cumulard lettré, qui cette fois, sera à la hauteur de la charge.
Il devra pour cela, faire avec les moins récalcitrants du camp d’en face : la gauche symbolique. Celle qui abandonne le terrain social pour se concentrer sur les colifichets et l’apparat. Une frange qui, si elle était colonisée pourrait définitivement faire basculer l’élection. Combler l’écart culturel, au moins en apparence, permet au sarkozysme de muter, de survivre. Le Nouvel Observateur et D.Olivennes constituent le vecteur idéal pour ce type d’opération. L’hebdomadaire de J.Daniel, c’est la critique doucereuse de la droite, le “oui” à la constitution européenne et à l’Europe des marchés, la sociale démocratie bienveillante, les marques “porno-chic”, le spécial immobilier haut de gamme.
Contrairement à ce que prétend D.Olivennes sur les plateaux de télévision (France 2, LCI), les questions n’étaient pas d’une crue insolence, mais juste assez fadasses pour “faire comme si”. L’autocrate de l’Élysée y déroule son plan communication convenu avec aisance. Du billard. On notera quand même sa désopilante allusion à la charge “inhumaine” que revêt la présidence de la république. Fonction qu’il a lui-même alourdie en concentrant davantage de pouvoirs, et en voulant même y retourner pour un second mandat afin d’y soupeser les nouvelles prérogatives. Grandiloquent et ridicule. D.Olivennes se défend en arguant que les lecteurs feront le distinguo entre la posture et le réel. La propagande ouvertement de droite (TF1, LCI, Le Figaro) ne prend pas autant de distance. Elle bombarde systématiquement avec du gros calibre hagiographique. D.Olivennes fait dans le subtil.
La mandature Sarkozy brille par l’inaptitude à s’occuper des problèmes sociaux des Français les plus pauvres. Pour durer, il se borne à laminer l’opposition. L’opération touche à son terme. Le PS est donné pour mort, pétrifié. Reste alors à annexer son électorat, rogner sur une frange aisée et symbolique du “centre-gauche”, qui dispose de ressources “de droite”, et qui lit le Nouvel Observateur en croyant tout ce qui s’y passe. Son directeur de publication déclare que “l’Internet est le tout-à-l’égout de la démocratie”. Voilà sûrement comment on pense quand on fréquente trop les lieux d’aisances à l’Élysée.
Vogelsong – 01 juillet 2009 – Port-de-Bouc