Ceux qui s’intéressent à la médiation dans le monde francophone auront sans doute été impressionnés par le nombre d’articles publiés dans la presse française à propos de la décision rendue par le juge aux affaires familiales de Tarascon dans l’affaire qui oppose les parents de la petite Elise (voyez par exemple : l’article de cyberpresse)
Par contre, je ne suis pas certain que la lecture détaillée de ces articles ne propose une vue très efficace de la médiation. En effet, il me semble que les conditions et le contexte qui accompagnent ce jugement ne posent des questions fondamentales sur la nature même de cette médiation:
1. Le père s’est réjoui d’une «décision mesurée à la hauteur d’une situation très compliquée». Par contre, l’avocate de la mère d’Elise, Me Catherine Dejean, s’est dite déçue. Si il s’agit uniquement de l’avis de l’avocate, et pas celui de la mère, pas de problème. Mais je crains que cet avis ne représente également celui de sa cliente. Lorsque l’on sait qu’une des premières conditions de réussite d’une médiation est la participation volontaire des parties en conflit, deux affirmations aussi contradictoires sur la mise en place d’une médiation me feraient déjà poser la question de la volonté.
2. Le droit de visite de la mère va s’exercer trois fois par mois à Marseille (sud-est), sans la présence du père, dans le cadre d’une association de médiation familiale. J’espère que c’est là une faute de frappe et qu’il s’agit d’une association de rencontres familiales encadrées. Si ce n’était pas le cas, je me poserais cette fois la question de l’acceptation déontologique d’une telle mission ? Comment une association de médiation peut-elle prendre en charge directement le travail individuel avec une des parties sans mettre en danger (dans un sens ou dans l’autre) sa neutralité ou sa multi-partialité.
3. La publicité donnée à cette décision va de plus mettre une énorme pression non pas sur les parties (qui en ont déjà vu d’autres), mais bien sur le médiateur dont les moindres faits et gestes seront épiés par toute la presse. Comment pourra-t-il éviter de “vouloir réussir”, et donc se mettre dans les meilleures conditions d’échec.
Nous allons donc “croiser les doigts” en pensant à ce confrère en espérant qu’il saura conserver la discrétion nécessaire à la réussite de sa mission.