113ème semaine de Sarkofrance : Sarkozy, on t'a vu !

Publié le 04 juillet 2009 par Juan
"Quand le sage désigne la lune, l'idiot regarde le doigt." Sarkozy nous prend-il donc pour des idiots ? Se prend-il pour un sage ? Il aime attirer nos regards sur son emprunt populaire, chercher à polir son image, et séduire les électorats vert et centriste dans la perspective de 2012. Regardez donc la lune sarkozyste de plus près : une France surendettée, des riches protégés, des précaires abandonnés, et des délits de faciès en tous genre. Ajoutez-y une sombre affaire de commissions occultes, et le portrait est complet.
Masquer nos dettes 
Tout le monde a compris que cette histoire d'emprunt populaire n'est qu'une opération de communication. Pour contrer les critiques contre ses incohérences fiscales et budgétaires, Sarkozy a trouvé cette idée: lancer un emprunt public, appuyé sur 3 mois de "débats" sur son utilisation. Le concept a fait flop. L'emprunt a surtout été un sujet de discorde... au sein du camp UMP. Fillon nous explique qu'il financera des projets d'avenir et "rentables" ("Il ne s'agit en aucun cas d'utiliser cet emprunt public comme une sorte de solution miracle à toutes nos difficultés budgétaires"). Guaino préfère des dépenses sociales. D'autres pensent à un second plan de relance. Gilles Carrez, le rapporteur UMP du Budget à l'Assemblée Nationale, s'inquiète du taux trop attractif qu'il faudra proposer pour séduire le public. Le débat existe, mais à droite. Dimanche dernier, "jour du Seigneur", François Fillon avait réuni quelques ministres pour lancer ce "Grenelle de l'Emprunt", et annoncer son calendrier de mise en œuvre. Rama Yade aimerait bien que l'emprunt serve à ... rénover les courts de Roland-Garros et les stades de football pour l'Euro de 2016. Luc Chatel pense plutôt à rendre les écoles écolo-compatibles ou aux "internats d'excellence". NKM parle de "numérique" (?); Valérie Pécresse aimerait que l'argent serve à la fibre optique. Martin Hirsch et Fadela Amara pensent "djeuns" et "banlieues". Même Frédéric Mitterrand y est allé de son couplet, sur la "rentabilité" d'installations culturelles, comme à Bilbao ou Conakry... En juin, c'est Noël en  Sarkofrance ! Le ministre du budget a rappelé que "le gouvernement ne s'exprimera pas sur les modalités avant d'en avoir fixé le but". S'agit-il d'être prudent, ou d'alimenter un faux suspense pour occuper le terrain médiatique ?

Mercredi, le Monarque a reçu les organisations syndicales. Il fallait élargir le cercle. Les syndicats sont restés sceptiques. On a parlé des charges des entreprises, de l'accès des ex-intérimaires et des CDD au contrat de transition professionnelle, de la convention de reclassement personnalisée, et de la possibilité d'une prime pour les bas salaires. Nicolas Sarkozy a même annoncé la constitution d'une "commission, qui sera présidée par deux hautes personnalités". On attend encore un débauchage à la droite de la gauche.
Capter l'électorat vert et centriste
Une semaine après le remaniement ministériel, Nicolas Sarkozy poursuit son offensive de séduction: pour 2012, il a besoin de capter l'électorat centriste et surtout écolo. La droite s'est resserrée. Trente pour cent d'électeurs dociles qui suivent le monarque faute d'alternative. Et compte bien que le locataire de l'Elysée pour éviter qu'il y en ait.
Pour plaire aux centristes, Sarkozy adoucit son image. Rachida Dati est partie. Sarkozy veut éviter de parler haute couture et bijoux. L'expulsion de Dati à Strasbourg sert à ça: corriger l'image "bling bling" d'un Monarque en mal de popularité. Il a également débauché le trésorier du Modem, Michel Mercier, un vieil élu qui n'attendait qu'un strapontin ministériel pour finir sa carrière. Sensible aux attaques de François Bayrou sur les libertés publiques et l'indépendance des médias, il a nommé Frédéric Mitterrand, un clin d'oeil à la "gauche de Carla"  qui n'effraiera personne. On attend de savoir si le ministre sera secondé par un autre Frédéric, Lefebvre et ineffable. Ce serait un mauvais signal, dans Sarkozy a aussi confié à Jean-Marie Bockel le soin d'afficher sa compassion pour les détenus et la situation carcérale. L'ex-socialiste s'est rapidement auto-administré une "piqure de rappel" en allant visiter une prison surpeuplée à Strasbourg cette semaine. Sarkozy nous enfle. Pardonnez l'expression. Les prisons débordent depuis des lustres, et l'ex-ministre de l'Insécurité n'a rien fait pour remédier au problème.
Côté écolo, l'offensive est plus puissante. Borloo sera sans doute le prochain premier ministre, après les élections régionales de 2010. Il faudra lui rappeler ses affaires de Valenciennes, sa conversion laborieuse et douteuse à l'écologie, son dilettantisme notoire. Cette semaine, Michel Rocard, nommé amabassadeur de la cause du Groenland par Nicolas II il y a deux mois, est revenu animer une conférence d'experts à Paris sur la "Contribution climat énergie" (CCE), la fameuse taxe carbone. C'est amusant, Rocard est une énigme. En septembre 2008, il fustigeait l'incompétence économique de Nicolas Sarkozy. Un mois plus tard, il se félicitait de sa réaction face à la crise. En 2009, Sarkozy pense à décembre prochain, le sommet de Copenhague sur le climat, un timing idéal pour les élections régionales de 2010. Il essaiera de nous faire oublier son misérable plan "Energie Climat" européen de décembre dernier, pour lequel il n'a soutenu aucun effort financier quelques mois plus tard.
Polir son image
Jeudi, Denis Olivennes a servi la soupe présidentielle, qui cherche à reconstruire la popularité défaillante du Monarque. Le patron du Nouvel Observateur a lui-même réalisé une interview du Monarque, sans prévenir sa rédaction. Le chef de l'Etat y confie qu'il regrette son image "Bling Bling" ("Cela correspondait à une époque de ma vie personnelle qui n’était pas facile et où j’avais à me battre sur plusieurs fronts") et ses excès verbaux-verbeux contre des journalistes. Il regrette ses emportements, s'excuse auprès de Laurent Joffrin, le directeur de Libération, se dit "choqué" par les procès en cours pour délits d'outrage à son égard.
Coïncidence, on apprenait que sa Présidence venait de réceptionner l'un des deux premiers Falcon 7X flambants neufs (coût 50 millions de dollars). Et dans la même interview, Sarkozy compare l'humour de Stéphane Guillon à celui de Jean-Marie Le Pen. Il voudrait donc nous faire croire qu'il a changé, ... comme un certain 14 janvier 2007. A l'époque, adoubé par les militants UMP, il avait livré un discours sur le thème du changement: "J'ai changé". La France et les médias découvraient incrédule un Sarkozy faussement calme. Polir l'image présidentielle est l'axe stratégique des prochains mois de l'équipe élyséenne. Franck Louvrier, le conseiller communication du monarque, a envoyé ayux patrons de presse un joli fascicule en papier glacé sur le discours de Versailles. France 5 va prochainement diffuser un documentaire hégériaque sur Sarkozy. L'Express relate comment Sarkozy s'ouvre "à de nouveaux horizons culturels". Suivrait-il la voie de Jacques Chirac, féru d'Asie et des arts premiers ? Samedi, le voici au carré Marigny, en face de l'Elysée, en train d'acheter des timbres de collection sur un marché.
Sarkozy veut être populaire, à l'approche de nouvelles secousses sociales, des prochaines élections régionales, et d'une crise dont la sortie n'est pas prévue avant 2010.
Oublier les délits en cascade
Mardi, l'Assemblée Nationale a adopté sa fameuse loi "anti-bandes", proposée par Christian Estrosi. Un dispositif inutile, basé sur le soupçon plutôt que le constat. Les polices de France pourront prochainement appréhender des groupes de jeunes sur la base d'un nouveau délit de faciès. Henri Guaino, le conseiller spécial du président, a pu juger des tensions en banlieues. Il s'est rendu caché à la Cité des Mureaux, à Montfermeil, un lieu devenu symbolique des banlieues difficiles et, du coup, très visité par des "people" politiques en mal d'expérience "terrain". La voiture de police qui l'abritait s'est faite caillasser.
L'UMP elle s'est fait prendre la main dans le sac : un vrai délit de racolage électoral actif. A peine la réduction de la TVA (de 19,6 à 5,5%) sur la restauration est-elle entrée en vigueur que le parti de Xavier Bertrand a envoyé aux quelques 120 000 restaurateurs un bulletin d'adhésion à l'UMP... Et comment l'UMP a-t-elle obtenu leurs coordonnées ? Luc Chatel, toujours porte-parole du gouvernement mais nouveau ministre de l'Education Nationale, a été pris en flagrant délit de ... contradiction. Alors qu'il défend la politique de l'emploi du gouvernement chaque mercredi à l'issue du Conseil des ministres, on apprenait qu'environ 30 000 auxiliaires et d'emplois de vie scolaire n'ont pas été renouvelés le 30 juin dernier.
Oublier le Karachigate
Il y a 15 jours, Nicolas Sarvait voulu balayé d'une phrase ("c'est une fable") l'affaire dite du Karachigate. L'un des avocats des familles des victimes de l'attentat de Karachi du 8 mai 2002 avait révél que les juges suspectaient non plus la piste islamiste mais une vengeance du Pakistan, suite à l'arrêt du versement de commissions à leurs intermédiaires dans le cadre de la vente de 3 sous-marins français en 1994. Un ancien juge a contesté cette version. Reste que l'étau semble se resserrer autour du camp Balladur de l'époque: il est un soupçon que personne ne conteste, à part les intéressés eux-mêmes, celui du versement de commissions occultes, via cette vente d'armes (et de quelques autres), à la campagne présidentielle du candidat Balladur en 1995. Nicolas Sarkozy était son directeur de campagne. Et son équipe ne pouvait compter sur le soutien financier du RPR, tout engagé aux côtés du rival Chirac. En 1994, la France de Ballaudur, via la Direction des Constructions Navales (DCN), vend 3 sous-marins au Pakistan, mais aussi des frégates à l'Arabie Saoudite, en 1994 pour 2,9 milliards d'euros. D'après l'ancien directeur financier de la DCN, Gérard-Philippe Menayas, Edouard Balladur aurait imposé deux intermédiaires à la DCN dans cette vente de sous-marins, dont l'un est "suspecté de longue date par les services secrets français de s'être livré à des activités illégales (blanchiment, trafic de drogue et d'armes...), mais aussi d'entretenir des «relations financières» avec l'ancien premier ministre Edouard Balladur". Au Nouvel Observateur, Nicolas Sarkozy défend sa cause: "Cela devrait vous rassurer d’avoir un président pointilleux sur les questions d’honnêteté." La justice devrait entendre Edouard Balladur sur cette affaire. Attentat ou pas, le versement de commissions occultes pour financer une campagne politique n'est pas autorisé. Il faut parfois rappeler certaines vérités. Les comptes de campagne d'Edouard Balladur, validés, restent discrets sur le sujet.
Oublier la crise
Vendredi, Laurent Wauquiez, le secrétaire d'Etat au Chômage a annoncé vouloir faire financer par le pôle emploi le permis de conduire de 0,006% des chômeurs prévus cette année, soit 20 000 personnes. Bel effort ! "Il faut aller beaucoup plus loin pour que le manque de mobilité ne soit plus un obstacle" a-t-il estimé. On se félicitera quand mêeme que le budget consacré aux aides à la recherche d'emploi (notamment pour la prise en charge des billets de train ou d'un déménagement) a été doublé de 40 à 80 millions d'euros en 2009. Il y a à peine 6 mois, le même Wauquiez estimait à 150 000 le nombre de dermandeurs d'emploi dans le besoin d'aide à la mobilité. En juillet 2009, les ambitions ont été revues à la baisse... Mercredi dernier, Sarkozy a enjoint les partenaires sociaux de renforcer l'indemnisation des salariés victimes de la crise. Il pensait surtout aux contrat de transition professionnelle (CTP), voire de rapprocher la convention de reclassement personnalisé (CRP) du CTP". Et lui, il attend quoi ? Qu'on soit tous dans la rue ?
Oublier avant tout
Sarkozy a encore deux ans pour faire oublier beaucoup de choses : ses déclarations sur les enseignants-chercheurs incompétents, son fichier Edvige, ses centres de rétentions, les franchises médicales pour tous pour financer le bouclier fiscal de quelques-uns, son "offre raisonnable d'emploi" qui expulse les chômeurs de leurs droits, son RSA qui flique leurs revenus, ses sanctions contre les préfets récalcitrants, le pantouflage de ses proches conseillers, son discours sur l'homme africain, sa diplomatie nucléaire auprès des dictatures de la planète. Nicolas Sarkozy doit faire oublier l'échec de sa rupture. La crise lui en a fournit le prétexte. Il peut célébrer le modèle social français qu'il voulait détruire tout en continuant de l'affaiblir par petites touches. L'électeur sarkozyste devra se demander si précipiter au chômage les seniors de plus de 58 ans est chose raisonnable, si lécher le cercueil d'Omar Bongo malgré les sifflets était bien nécessaire; si la défiscalisation des heures supplémentaires n'était pas la pire idée de la décennie. L'électeur sarkozyste a quelques mois encore pour juger s'il fallait acheter un nouvel Airbus présidentiel, ou claquer la bise à Poutine quelques heures avant que ce dernier n'envahisse la Géorgie; si l'éthique était au rendez-vous de cette présidence. Bref, l'électeur sarkozyste devra faire preuve de lucidité.
Ami sarkozyste, où es-tu ?&alt;=rss