La réforme militaire menée en Russie suscite une polémique animée en ce qui concerne, entre autres, la future structure de l'organisation et des effectifs des troupes, qui doit changer radicalement. Un de ces changements doit être la réduction considérable des troupes blindées. Les informations parues à ce sujet dans certains médias ont suscité des commentaires de toutes sortes, certains cédant même à la panique.
Toutefois, à y regarder d'un peu plus près, on constate qu'il n'y a rien là de sensationnel. Il est effectivement prévu, dans le cadre de cette réforme, de réduire considérablement les troupes blindées et de modifier leur structure. Mais il ne peut être question de diviser par dix leurs effectifs.
L'armée russe dispose effectivement, à ce jour, d'environ 22.000 chars. Mais la majeure partie d'entre eux - plus de 15.000 - se trouvent dans des bases de stockage d'armements et de matériels. Si bien que le nombre de chars présents dans les unités de combat dépasse légèrement les 6.000. Ajoutons que les unités en état d'alerte permanente ne comptent, selon différentes estimations, qu'environ 1.000 à 1.500 chars.
Dans les dix prochaines années, lorsque l'armée adoptera la structure des brigades et des bataillons, le nombre de chars des unités de combat doit tomber à 2.000 à 2.300 OBT (en anglais, main battle tank, MBT), mais toutes ces unités seront en état d'alerte permanente. On note, donc, que le nombre d'engins prêts au combat s'accroîtra. En outre, plusieurs centaines de chars se trouveront dans des unités d'entraînement, et 3.000 à 4.000 autres, dans des entrepôts, ce qui portera le total des effectifs des troupes blindées entre 6.000 et 7.000 OBT.
Par conséquent, il s'agira d'une réduction non pas de dix fois, mais, au maximum, de trois. Cependant, plusieurs questions se posent : à quoi ressembleront ces chars, quel sera l'écart quantitatif et qualitatif entre la Russie et ses adversaires éventuels, quelles seront les répercussions de la réforme sur la capacité défensive du pays, etc. ?
La réponse à la première question découle de la situation qui s'est créée dans l'industrie russe. Le char T-90, créé sur la base du char soviétique T-72, est fabriqué actuellement pour l'armée russe. Dans le même temps est développé un programme de modernisation des chars T-72, qui permet de maintenir ceux-ci à un niveau conforme aux exigences modernes. Les chars T-64 et T-80, qui ont besoin d'un grand nombre de pièces de fabrication ukrainienne, sont, de ce fait, "hors-jeu".
Il en découle tout naturellement que le T-72 et son successeur, le T-90, sont appelés à former l'épine dorsale des troupes blindées. Par la suite, d'ici deux ou trois ans, un nouveau char, le T-95, sera mis en fabrication. Il devrait être présenté dès cette année.
Une autre question se pose, encore plus importante : que pèseront les troupes blindées de la Russie, comparativement à celles de ses voisins ? Pour répondre à cette question, il convient de noter que la tendance à la réduction du nombre de chars en service ne concerne pas seulement l'armée russe, beaucoup s'en faut. Pratiquement toutes les grandes puissances prévoient de réduire leurs troupes blindées.
Ainsi, selon diverses estimations, les troupes de l'OTAN en Europe n'auront plus d'ici la fin de la prochaine décennie qu'environ 2.000 chars en service, et à peu près autant dans les entrepôts.
Il ne faut pas oublier non plus que la Russie est limitrophe, à l'Est, de la Chine. Celle-ci disposera, d'ici 2020, d'environ 4.000 à 5.000 chars en service, dont environ 2.000 chars modernes. Par conséquent, la Russie le cédera certainement, pour les effectifs des troupes blindées, à ses voisins les plus puissants - l'OTAN et la Chine. Mais, premièrement, un conflit opposant la Russie à la Chine ou à l'ensemble du bloc de l'OTAN est très peu probable et, deuxièmement, cette guerre serait inévitablement nucléaire. Les effectifs des troupes blindées auraient alors une importance insignifiante dans cette guerre hypothétique.
Cependant, son énorme puissance de feu, sa mobilité et son blindage lourd assurent toujours au char le titre de "roi des champs de bataille", malgré le perfectionnement continuel des armements antichars. Dans les conflits locaux, le char demeure une arme irremplaçable, conférant souplesse, mobilité et puissance de frappe aux unités terrestres.
Source du texte : RIA NOVOSTI